À L'INTÉRIEUR, le supplice de Nemo
Expérience Performance Survival métaphorique
Vasilis Katsoupis
****
C'est lent. C'est éprouvant. Il ne se passe "presque rien" mais ça dit beaucoup sur l'homme, la solitude de l'artiste et l'éternel processus de création-destruction qui régit le vivant. Bref, voilà une pépite exigeante (qui, je pourrais le comprendre, peut faire royalement chier) mais ô combien puissante. Willem Dafoe y est fascinant et c'est dispo en ce moment sur Netflix.
Alors...
Le scénario fait dans l'épure mais le concept est efficace.
Nemo, un cambrioleur, expert en vol d'oeuvres d'art, se retrouve enfermé dans l'immense et luxueux appartement d'un collectionneur de Manhattan. Il était venu dérober trois oeuvres "millionnaires" d'Egon Schiele mais au moment de sortir, le système de sécurité a tout verrouillé, jusqu'à l'eau des robinets. Le frigo est presque vide et diffuse la Macarena à plein tube au-delà de neuf secondes d'ouverture. Touche finale dans cette ambiance à l'humour très noir, la clim, en complète déroute, va définitivement ruiner toute sensation de confort pour ce hors la loi enfermé dans ce "temple" où l'art comme le design ne font ni dans le chaleureux ni le bienveillant.
Emprisonné nous même, spectateur impuissant, dans ce huis-clos aux allures de performance artistique radicale nous embarquons alors pour un survival métaphorique osé, courageux et assez bluffant.
Ce long parcours "christique" (voir l'affiche du film sur laquelle le personnage semble marcher sur l'eau) fascine. En tentant de "s'élever" Nemo contribue à sa propre "disparition". La destruction même du mobilier prend alors elle même la forme d'une création. Un assemblage assez abstrait, un poil cubiste, tourné vers une tentative désespérée d'élévation. Après avoir tenté, en vain, de défoncer portes et fenêtres Le salut semble, en effet, reposer dans le puit de lumière du plafond.
Dans cet univers froid, déshumanisé, à l'architecture brutaliste, le personnage, que l'on devine lui-même artiste, va progressivement se transformer lui-même en figure à la Egon Schiele en tentant désespérément de s'échapper. L'acteur au corps noueux, marqué par l'âge, s'expose sans fards et la prestation fait le show. Dafoe est litéralement dantesque. Son regard travaillé par l'épuisement et la folie et son engagement "physique" intense méritent d'emblée de vous infliger la séance.
Si j'écris "infliger" c'est bien que le spectacle est, j'insiste, éprouvant autant qu'exigeant. Ce n'est pas un thriller divertissant mais bien une expérience.
Et malgré la cruelle amertume du propos (l'art n'offre pas d'échappatoire réelle, ne sauvera pas le monde et nous abandonne à nos cruels et absurdes labeurs à la Sisyphe dans un monde capitaliste aux prisons dorés qui nous emprisonnent au lieu de nous libérer) le parcours de douleur a de quoi éblouir le spectateur avide d'expérience.
Le traitement magnifié par une photographie habitée et une mise en scène au cordeau en font un objet d'art d'une radicalité que je trouve assez réjouissante. Oubliez les critiques acerbes et son absence au box-office. Laissez-vous enfermer et découvrez un Willem Dafoe, ici authentique figure "expressionniste", signant sa prestation la plus radicale depuis... La Dernière Tentation du Christ.
Francisco,
Seconde vie sur plateformes, il semblerait que le film cartonne sur Netflix !
(Inside)
2023
1h45
Directed by
Vasilis Katsoupis | ... | (a film by) |
Writing Credits
Ben Hopkins | ... | (written by) |
Vasilis Katsoupis | ... | (based on an idea by) |
Cast (in credits order) verified as complete
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Willem Dafoe | ... | Nemo |
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