BIRDMAN, you're not important. Get used to it!
Divine comédie Coup de coeur 2014
Alejandro González Ińarritu
*****
Je pourrais garder comme ami quelqu’un qui n’aimerait pas Birdman.
À une seule condition : qu’il se prosterne et reconnaisse qu’il s’est trompé, sans oublier de saluer le génie de cette œuvre.
Trêve de plaisanterie, ceci n’est pas un film mais un prodige.
Après une série d’œuvres chorales, filmées autour du monde, toutes véritables chemins de croix pour les êtres qui s’y débattent, Iñárritu rassemble tous ses démons en un seul lieu : les entrailles d’un théâtre. La vie, l’amour et la mort embrassés dans un unique mouvement de caméra. Oui, vous avez bien lu. Birdman est un monstre cinématographique. Une valse barzingue aux raccords invisibles. Un gigantesque plan-séquence, conduit de main de maître par le directeur photo Emmanuel Lubezki, le magicien de The Tree of Life, Gravity, Les Fils de l’Homme… (Si j’étais chef op’, je ferais une énorme dépression en sortant de ce film. J’irais garder des chèvres dans le Larzac ou bosser au service des cartes grises de la ville de Mende.) Un choix de mise en scène indissociable du propos : Birdman, c’est la vie. Tout droit et sans interruption, jusqu’à la fin.
Et côté désespoir ?
Ben, côté désespoir virtuose, ça maîtrise.
On se marre un instant avant d’encaisser une ligne de dialogue à se tirer une balle. Barré, loufoque, mais toujours bouleversant. À l’image du plan d’ouverture : un acteur vieillissant, lévitant en slip, au milieu de sa loge. Riggan, star has-been au bord de la rupture, dont l’increvable célébrité ne repose que sur des succès qu’il voudrait balayer. Ce mec reste “Birdman”, mais il est seul et fauché. Depuis déjà bien longtemps. Michael Keaton se livre ici, corps et âme, au génie d’Iñárritu. Grotesque et sublime, de l’ouverture au dernier plan du film.
Forcément, ça lui parle, un rôle pareil.
Difficile de ne pas percevoir une petite part d’autobiographie chez celui qui fut le premier Batman digne de ce nom, avant de finir au générique de films comme Need for Speed ou le pâle remake de Robocop. Le voici de retour, totalement électrisant, dans le rôle d’un ex-super-héros de cinéma, tentant un dernier come-back sur les planches de Broadway. Un come-back sur les ailes de l’auteur Raymond Carver.
Le personnage de Riggan a donc adapté pour la scène le recueil de nouvelles What We Talk About When We Talk About Love (Parlez-moi d’amour).
Précisons aussitôt que l’auteur des Vitamines du bonheur, mort à la fin des années 80, reste aujourd’hui encore le pape du naturalisme à l’américaine. Une plume sèche et brutale, ayant dessiné toute sa carrière les brèves et pathétiques destinées de types ordinaires. Ici, à l’image de l’univers de l’écrivain, les gloires sont fanées et l’aigreur parfume les couloirs du théâtre.
- How pathetic we are...
- It's not important. You're not important. Get used to it.
Le type a beau être doué ici de pouvoirs télékinésiques impressionnants, capable d’envoyer valdinguer tous les objets à distance, il reste désespérément impuissant et vulnérable. Hanté par le fantôme de sa gloire passée. Riggan ressemble au cinéma d’aujourd’hui : tentant de se racheter une conduite, de retrouver le fil de l’art après s’être vendu à la “Marvelisation” du spectacle et des esprits. Ce virus extrêmement contagieux qui mine aujourd’hui le cinéma populaire, accouchant d’œuvres aussi pyrotechniques que ternes et prévisibles, comme des dimanches de pluie.
- They love this shit. They love blood. They love action. Not this talky, depressing, philosophical bullshit. Yes. And the next time you screech, it'll explode into millions of eardrums. You'll glimmer on thousands of screens around the globe. Another blockbuster. You are a god. See?
Rage et colère alimentent en permanence la quête artistique de Riggan. Alimentées par les profils névrotiques de ses compagnons de scène.
Quel bonheur de retrouver le grand et sous-employé Edward Norton (Fight Club, 25th Hour), dans un rôle d’égomaniaque à la hauteur de son talent. Surprenante Emma Stone en jeune fille perdue, fraîchement sortie de désintox. Intense et fragile Naomi Watts, ici actrice en mal de reconnaissance. Tous interprètent à la perfection cette partition drôle, renversante, déprimante et nihiliste. Miroir tendu à un système à bout de souffle. Et plus largement, grande leçon d’humilité face à cette irrépressible soif d’amour et de reconnaissance qui nous carbonise comme des oiseaux de feu, avant de nous abandonner au bord du rivage, acides et infréquentables, comme autant de méduses échouées.
Francisco,
Reflecting life
Chroniques Iñárritu
(La surprenante vertu de l'ignorance)`
2014
2h
Le Blu-ray Le top de l'image numérique couchée sur 35mm. Des entrailles du théâtre au envolées urbaines le prodige s'accomplit en HD. Top démo d'une image de caractère.
Director:
Alejandro González Iñárritu (as Alejandro G. Iñárritu)
Writers:
Alejandro González Iñárritu (as Alejandro G. Iñárritu) , Nicolás Giacobone, 3 more credits »
Stars:
Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton | See full cast and crew »
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