NO COUNTRY FOR OLD MEN, jusqu'à l'os
Thriller bouillant Survival
Coen brothers
*****
Brillantissime.
Sec et sans fioritures.
Perfection de l'interprétation, dialogues écrits au couteau, violence brute et sèche, lumière écrasante et nuit abyssale, les frères Coen nous offrent ici avec cette pointe d'humour ravageuse la Sixtine
No Country For Old Men ou le spectacle de la mort en marche. Terrassante, inévitable, à laquelle personne n'échappe. L'Ankou des plaines du Texas personnifié avec un talent ravageur par un Javier Bardem impassible, grotesque et ... terrifiant. (Qui d'autre que lui pourrait nous tétaniser avec une coiffure aussi ridicule? hormis Mireille Mathieu dans ton salon, en pleine nuit, un couteau à la main) Face à lui le Texan Josh Brolin, totalement à l'aise dans ses bottes, et un Tommy Lee Jones royal en shérif désabusé dont le visage fatigué exprime à merveille la faillite de la justice et le cancer de la résignation face à ce monde de loups où les agneaux n'auront jamais fini de morfler.
Parce que oui, philo Coen oblige, la cruauté et le goût de l'absurde assaisonnent tout le métrage. On peut aujourd'hui considérer que toute leur filmo conduit logiquement vers le récent Macbeth de frère Joel (2021). Résonne ici aussi la célèbre réplique de Shakespeare résumant notre sinistre condition en un "récit plein de bruit et de fureur, conté par un idiot et qui n'a pas de sens".
Quelques plans de paysage et une voix off mélancolique venue d'outre-tombe et le ton est donné. Le climat de maîtrise formelle est au beau fixe. La certitude d'entrer dans "un grand film" prend rarement plus de temps. Tout est en place. Nous allons grimper le plus haut sommet des frangins Coen, tutoyer le féroce et hilarant Fargo. C'est parfois drôle mais le plus souvent cruel et suffocant, jusqu'au final d'une noirceur absolue.
Les deux génies à l'humour macabre délivrent ici une mise en scène ample et fluide, presque Fordienne, dans l'évidence de son découpage. Compagnon de longue date, le grand Roger Deakins assure une direction photo qui le consacre maître de la lumière. Le désert est somptueux et les ombres découpées au scalpel. Visuellement nous sommes condamnés. C'est beau à crever. L'écrin idéal pour cette oeuvre aussi dense qu'épurée, aussi violente que silencieuse.
Justement. Parlons-en du silence. L'image est la seule musique du film que le montage ordonne avec une précision et un tempo d'horloger. C'est la grande claque aux hystérique du film d'action, avant la grande lobotomie Marvel qui allait mettre à terre le grand cinéma populaire en arrosant le box-office de sucreries à neuneus. Un gavage d'oie qui allait puiser bien au-delà de notre espace de cerveau disponible. Revoir No Country est un acte réparateur. Nul besoin de mitrailler le spectateur de plans inutiles et bâclés pour doper le spectacle ou booster la tension.
Voici la calme assurance des géants du cinoche imposant leur savoir-faire et inscrivant avec une intelligence redoutable leur oeuvre dans une éternelle modernité. Dans vingt ans les cinéphiles savoureront encore cette belle leçon de cinoche. Le cinéma de genre élevé au rang d'art noble. Sur le fond, la leçon muette et glaçante de ce parcours nihiliste restera universelle.
Donc : posséder dans sa blu-raythèque No Country relève de l'obligation.
La précision de l'image est nécessaire. Les acteurs, charismatiques à souhait, admirablement photographiés et dirigés, gagnent encore en présence. Offrez vous le must, en attendant le 4K, pour savourer ce joyau noir. Le son est essentiellement frontal mais c'est à l'image du film lui même : Un scénario implacable qui avance droit vers l'enfer.
- Mister? You got a bone stickin' out of your arm.
- Let me just sit here a minute.
Francisco,
Monster
Deakins
Coen chroniques
2007
2H
Le Blu-ray Un grand moment de bonheur. Contrastes et piqué de haut vol, image d'une précision chirurgicale. Attention les yeux !