THE REVENANT, Beardman
Survival épique Western Coup de coeur 2015
Alejandro González Iñárritu
*****
Ça remonte à Jeremiah Johnson
J'ai toujours été fan des histoires de mecs barbus se débattant en pleine nature sauvage. Mais alors là, avec The Revenant, j'ai carrément basculé dans l'hypnose. Inspiré d'une histoire vraie qui fut déjà adaptée sur grand écran au début des années 70 dans Le Convoi Sauvage de Richard C. Sarafian avec Richard Harris dans le rôle du trappeur laissé pour mort, survivant et cherchant vengeance. Un film d'aventure sympa mais qui a prit son petit coup de vieux et qui visuellement ne supporte plus la comparaison avec l'hallucination cinématographique de ce visionnaire qu'est Iñarritu. Quant à la prestation de DiCaprio elle transpire l'engagement et l'abandon absolu à cette oeuvre aussi pure que brutale et radicale. À moins d'être aveugle et sourd il me semble inconcevable de ne pas s'incliner devant un tel spectacle.
La première vision au cinéma m'avait bouleversé.
Le revoir dans l'écrin d'un Blu-ray aux prestations techniques hallucinantes a confirmé l'ampleur du miracle. Il faudra sans doute un peu de temps à l'histoire du cinéma pour prendre la mesure de ce monument. Voici, à mon sens, une des tranches de cinéma fumante et saignante les plus stupéfiants jamais tourné.
Suis-je excessif? ordinairement oui, mais là non.
Il faut remonter à des films monstres comme Apocalypse Now, Andrei Roublev ou, plus récemment, There Will Be Blood, pour retrouver une telle sensation d'oeuvre débordant du cadre et échappant à toutes catégories. Je ne pensais pas, en ces temps de Marvelisation galopante des esprits où les photocopieuses tournent à plein régime, voir souffler sur les écran un tel vent de poésie barbare. Sur un scénario réduit au mouvement primal de la survie la plus élémentaire, Iñárritu nous raccorde au souffle premier. Jamais une oeuvre n'a pour moi brassé avec autant de grâce et de virtuosité le viscéral au mystique, la nature brutale à l'échappée poétique, l'insoutenable au somptueux. Le spectacle est unique et inoubliable.
Grâce soit rendue à la nature sauvage, The Revenant a le bon goût de s'ouvrir en enfer.
Nous voilà, humbles spectateurs, introduit brutalement et sans ménagement. Bienvenue au grand cinéma. Le vrai. Les flèches transpercent les gorges, les indiens surgissent de partout. L'attaque du camps des trappeurs aligne une succession de plan-séquences hallucinants. Dont celui-ci : La caméra, après avoir suivi plusieurs combats au sol, nous embarque à cheval au moment du passage d'un cavalier. D'un seul mouvement de steadycam enchainant un travelling furieux, ce plan embrasse alors l'ensemble du champ de bataille jusqu'à la chute du guerrier. Virtuosité de la forme pour une immersion garantie. Voici d'emblée du très grand cinéma. Taillé ni pour les pisse-froids ni pour les théoriciens du septième art. Un cadeau pour ceux qui connaissent le prix de l'art et l'engagement absolu.
Ce bloc de rage échappe à l'analyse et au découpage et ça va faire râler pas mal de gnomes de la critique. Une succession de visions d'aubes et de crépuscules dont l'écho résonne en profondeur.
Lutte pour la vie et parcours de vengeance, traversée des limbes, voyage d'une âme endeuillée, l'expérience se ressent et se vit bien au-delà des limites de la simple projection ciné. La forme, totalement sublimée, confine au sacré mais les images trempent bel et bien dans la terre, la neige, le gel, la pourriture et le sang.
Filmé aux "heures magiques"du jour, comme le permet désormais l'ultra sensibilité des dernières caméras UHD, la photographie du chef-opérateur attitré de Terrence Malick Emmanuel Lubezki, déjà à l'oeuvre sur Birdman, y est admirable. Tant sur la lumière que sur le cadre. Et cette danse de mort ne se pose presque jamais. À l'image d'un récit où la survie dans ce milieu pétrifié par le froid passe par le mouvement, la caméra reste fluide en permanence. Souvent placé au plus proche du sol pour mieux marquer l'effort physique et imposer au dessus du personnage l'écrasante présence de la nature.
Les plans d'ensemble, magistraux, baignés de cette lueur sépulcrale, ne s'élèvent que pour mieux marquer l'isolement et l'aspect dérisoire de toute présence humaine. Tableaux hypnotiques, sans cesse fascinants, au coeur d'une nature lugubre et pétrifiée propice au échappées hallucinatoires. Un ensemble sublimé par une partition musicale discrète mais comme échappée des profondeurs de la terre. Une respiration symphonique signée Ryuichi Sakamoto, déjà à l'oeuvre sur Babel.
The Revenant est le point d'orgue de la filmographie d'Iñárritu.
Un de ces trop rares cinéastes qui ont l'ambition, la fringale, du ventre, des tripes et une âme enflammée. Sa filmo déroule une autopsie à l'écorchée du genre humain. Gigantesque expérience aussi mystique que viscérale qu'il jette sur la toile avec une force égale depuis Amours Chiennes. 15 ans après, le réalisateur scrute toujours l'humain et ses douleurs jusqu'au plus profond de l'âme avec le même amour féroce. Au plus près de l'os. Il le ramène ici à "l'état de nature".
Et tout le monde le suit.
Le récit, inspiré de l'incroyable histoire vraie d'un laissé pour mort revenant à la vie est en effet défendu par des acteurs littéralement "transportés". Tourner ainsi dans le grand nord canadien ou aux confins de l'Argentine aux premières heures du jour ou au crépuscule a certainement créé une atmosphère de tournage stimulant des sentiments et des réactions inédites. Hors du temps, loin de tout repères, au coeur de cet espace vierge, les acteurs (les spectateurs?) se"redécouvrent".
Dans ce monde, le danger et la peur se lisent dans tous les regards.
Et elle ne semble pas toujours jouée. Le sentiment de réalité est alors plus intense. On retrouve ici la folie du film d'Herzog Aguirre, la colère de Dieu. Ce courage de "chevaucher le dragon" qui habite, je le souligne une nouvelle fois, l' Apocalypse Now d'un Coppola prêt à tous les sacrifices pour donner naissance à un projet-ogre s'abreuvant à sa propre démesure. Ici aussi l'oeuvre déborde et grogne hors du cadre. Nous n'aurons pas de sitôt sur les écrans un nouveau film de cette ampleur, fruit d'autant de courage.
Côté film d'aventure, le recours exagéré aux effets numériques et à la Marvelisation du grand spectacle, a largement contribué a castrer ce genre cinématographique censé exhiber coeur et vigueur. Combien de daubes fluos et hystériques jusqu'à l'imbécilité la plus crasse pour un Apocalypto, un The Revenant ou The Lost City of Z ?
Ouais, il faut s'engager, suer, souffrir un peu, donner de vraiment de soi pour raconter une telle histoire et faire vibrer le spectateur. Et, justement, le réalisateur du magnifique et douloureux Biutiful sait mettre ses tripes dans son art. Les anecdotes concernant "un tournage éprouvant"ne manquent pas mais elle témoigne d'une volonté absolue d'aller chercher autre chose. `
Ce genre d'oeuvre ne se dessine pas dans le confort d'un studio ou en terrain balisé. Personne n'a été maltraité et l'Engagement de DiCaprio y est total. Couvert de boue, gémissant, éructant, plongé dans l'eau glaçé, mordant à belle dents dans du poisson cru ou une bonne tranche de foie de bison encore fumante, son regard nous cloue le bec. En peu de mots il atteint là le sommet de sa carrière. Face à lui, Tom Hardy, motif de la vengeance et donc de la survie d'Hugh Glass, réveille dans son jeu, cette animalité brute qui transcendait Bronson, The Dark Knight Rises ainsi que la seconde saison de Peaky Blinders. On peux de toute façon saluer l'énorme prestations de tous les acteurs qui s'abandonnent ici corps et âme à l'aventure.
The Revenant, au delà du pur éblouissement artistique auquel tout cinéphile un tant soit peu équipé sera sensible, s'impose par sa rudesse. C'est le propre de" l'expérience". Écorcher, bousculer le regard et gratter jusqu'à l'âme du spectateur pour ne jamais engourdir la vision. Au final, The Revenant, aussi sombre et violent soit-il, est le film de l'éveil. Nous ne sommes plus là dans l'illustration ou un décor mais bien dans un paysage véritablement habité. Hanté. Tout prend corps. Ce cinéma là donne enfin "à voir". De l'indicible au visible et sans verbiage ou diarrhée philosophique. Une prose simple, aux racines profondes.
- As long as you can still grab a breath, you fight. You breathe. Keep breathing. When there is a storm and you stand in front of a tree, if you look at its branches, you swear it will fall. But if you watch the trunk, you will see its stability.
Sur le fond l'expérience est ultime mais le discours funèbre.
Transpire ici une forme de nihilisme visionnaire. Allégorie de notre époque finissante où les indiens apparaissent comme les figures spectrales de notre impardonnable faillite morale et écologique. Son salut, Hugh Glass ne le doit qu'en régressant. Reconnecté brutalement à la nature première de l'existence, il refait le chemin, dans l'espace d'avant la civilisation. Respirer, grogner, ramper, se lever, marcher, se nourrir, survivre.
The Revenant n'est pas, selon moi, le récit glorieux d'une renaissance. Tout en revenant aux sources du western et au mythe de la dernière frontière, étendards du cinéma américain, le cinéaste n'exalte au final aucun héroïsme. Il nous emmène là ou finit l'humain. Là ou l'animal prend le pas. Où la brutalité gouverne. Où les fantômes restent les seuls guides dans un monde sans Dieu. Respirer, avancer avec la mort aux trousses et la vengeance au bout du chemin. Trajet à la fois terrassant et... à la finalité dérisoire. Un final qui nous regarde tous. Requiem cinématographique phénoménal.
Chef d'oeuvre absolu.
Francisco,
Taillés pour le rôle
Lubezki expérience
Chroniques Iñárritu
2015
2H35
Le Blu-ray Top démo !!! Expérience totalement immersive !!! C'était un peu prévisible, tourné en 6,5 et 4K et photographié par le génial Lubezki, le résultat nous emmène au paradis. Di Caprio est en enfer mais l'amateur d'expérience HD ultime sera aux anges, se régalant d'un niveau de détail proprement ahurissant. La sensation d'avoir les acteurs face à nous est tétanisante. Une gestion des couleurs divine et de solides contrastes magnifient cette image à l'âme profonde et solidement charpentée. Sans doute la plus belle de l'année. Chaque plan fait miauler. Le travail sur le son s'est même payé le luxe de faire le tour de mon salon, malgré mon humble 2.1. Avec The Revenant vous avez rendez-vous avec la perfection. Terminons sur une touche d'humour bien foireuse dont j'ai le secret : "The Revenant, vous n'en reviendrez pas!"
Le Blu-ray 4K : Spinaltap va peut-être s'équiper avant moi, auquel cas il viendra compléter ici-même ce test. Les premiers échos sont dithyrambiques. Il s'agirait de l'authentique Blu-ray 4K de référence que tout les accros attendaient. Tant sur l'ahurissante définition que sur l'intense restitution de la photographie.
Director:
Alejandro González Iñárritu (as Alejandro G. Iñárritu)Writers:
Mark L. Smith (screenplay), Alejandro González Iñárritu (screenplay) (as Alejandro G. Iñárritu) | 1 more credit »A découvrir aussi
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