UNDER THE SILVER LAKE, the long goodbye
Songe Polar hors-piste Funny apocalypse
David Robert Mitchell
****
Heureux qui comme un surfeur...
Arrivé là par hasard, au gré de mes errances sur plateformes, j'ai plongé dans les flots argentés de ce truc bien à l'ouest que tu peux toi aussi fumer directement sur Amazon Prime.
Voici donc, ô lectrices et lecteurs bien-aimés, un ovni comme je les aime, en ces temps où les photocopieuses ciné tournent à plein régime. Et quand je parle d'un truc bien à l'ouest, c'est en Californie que ça se passe. Une sorte de polar, néo noir, ou un jeune mec suavement et psychédéliquement paumé, interprété avec une décontraction contagieuse et un poil Big Lebowskienne par le furieusement sympathique Andrew Garfield, part à la recherche d'une fille disparue après une glamour et lynchienne rencontre d'un soir. Car, oui, il y a une touche de Lynch, celui de Mulholland Drive et Twin Peaks, dans cette peinture d'un Hollywood peuplé d'âmes perdues au fil d'une intrigue qui louvoie, bifurque, prend le large, flâne, se rêve, cauchemarde, nous interroge, nous flanque deux trois petites baffes avant de nous abandonner la tête pleine de questions et une furieuse envie de la revoir, histoire de décoder tous les signes et indices disséminés ici et là.
Vous voyez le genre?
Under the Silver Lake évolue dans un brouillage constant entre hallucination, songe et une réalité sous influence. Le réal David Robert Mitchell a du style, du cran et un sens du rythme bien à lui. Une façon d'emballer ses scènes d'une manière ultra séduisante. J'ai succombé ici à un envoûtement Pop bourré de références et maîtrisant ses classiques. Cette enquête délicieusement déviante se joue aussi bien à l'aune d'un Fenêtre sur cour (le personnage principal espionne ses généreuses voisines à la jumelle) que dans les charmes d'un Boulevard du Crépuscule, (une ancienne reine de beauté recueille notre jeune héros) ou l'ombre d'un Citizen Kane, (improbable et fascinante rencontre avec ce personnage mi-ogre mi-dieu, chef d'orchestre-auteur-compositeur de toute la petite musique du monde, vivant reclus dans son palais)
Ce polar sans flics ni détectives s'inscrit également dans les pas du Richard Kelly de Donnie Darko et Southland Tales, tout en épousant la loufoquerie et les échappées surréalistes du Paul Thomas Anderson d’Inherent Vice. Rien que du beau monde et de l'indépendant.
David robert Mitchell.
Un nom à retenir, donc.
J'avais déjà pas mal été séduit par son toilettage poético-Sofia-Coppolesque du genre "Teen-movie-horrifique" avec It Follows (2014) également dispo sur Prime. Là aussi planait ce délicieux sentiment d'inquiétante étrangeté cher à tous les poètes. Flanquer la trouille, laisser planer le doute et le mystère, avec un sens profond de l'atmosphère.
Ne spolions rien mais j'aime le nihilisme glamour qui habite encore ici et là quelques pépites ciné comme le Netflixable Assassination Nation. Preuve qu'on peut être branchouille, stylé, et vomir la terrifiante et oppressante vacuité de l'époque. Et quand j'emploie le terme stylé, c'est pour insister sur le fait qu'Under the Silver Lake, en plus de cultiver l'imprévisible et de soigner sa BO, se paye le luxe d'être très beau à regarder. Beau découpage et belle photographie portée par cette langueur de rythme, grâce du montage, façon Le Privé de Robert Altman. Hé ouais man, une maousse référence seventies dans un Los Angeles de losers magnifiques, ça ne vous donne pas envie d'aller y faire un tour?
J'ai oublié de préciser, les mecs sont tous un peu tordus et les filles sont belles. Laura Palmer sous les palmiers ou lapin d'Alice de clinquantes soirées privées, toujours le charme opère. Sortie en 2018, l'oeuvre nous enveloppe déjà de nostalgie. Celle d'un monde d'avant le Covid. Les masques avaient une autre gueule...
Francisco,
Dispo sur Prime