BLUE RUIN, pur et brut moment de cinoche
Thriller indé hargneux
Jeremy Saulnier
****
Quelques plans au découpage impérial.
Le décor est planté. Bienvenue dans le monde de Dwight. Ou plutôt, ce qu'il en reste... Le titre du film résume tout ce que cet homme possède. L'ouverture annonce clairement l'entrée en scène d'un vrai cinéaste.
Écrit, quasi auto-finançé, et réalisé par Jérémy Saulnier voici une énième histoire de vengeance servie glaçée, et accomplie par un personnage totalement anéanti. Un parcours pathétique dans une Amérique perdue et le carnage au bout du chemin.
Chef opérateur dans le milieu indé, Saulnier malgré un budget qui financerait à peine un trajet en car de Meudon à Viroflay, nous offre une image de toute beauté. Hormis un sens du cadre absolument terrassant, la texture même du film est un régal. Tourné au Canon C300 on jurerait à l'arrivée de la bonne vieille peloche 35. Un grain subtil et un traitement des couleurs très seventies. Car la forme évoque bien cette glorieuse décennie du cinoche américain et de ses survivals crasseux et teigneux comme Délivrance ou Les Chiens de Paille ainsi que leur glorieux descendants comme No country for old men.
Règlement de comptes au pays des rednecks et sans clips ni caméra secouée.
Pur et brut moment de cinoche qui loupe de peu le panthéon du thriller en raison d'une seconde partie plus "ordinaire".Ici la vraie surprise porte un nom : Macon Blair. Prodige de "non-présence" envahissante. Un pur visage d'anonyme; Une forme d'anti-charisme cinématographiquement magnétique. Phénomène inexplicable. Un ovni autour duquel le film tout entier semble s'être construit. Dans un rôle presque muet, toute la maladie et l'effroi de la vengeance transpirent de son regard au bord de l'abîme. Ses silences sont furieux, et chacune de ses répliques semblent exhaler son dernier râle.
Vous l'aurez compris, peu importe l'aspect finalement prévisible et anecdotique de l'intrigue, ce sont bien la forme et la manière qui fascinent ici. Toutes entières au service de cet improbable et, finalement, terrifiant personnage dont chaque action semble offrir un moment de cinéma à la fois conforme à une bonne vieille série B et totalement inédit dans son expression.
Avec un sens parfait du timing et de l'ellipse, Blue-ruin nous épargne les transitions inutiles et tunnels de dialogues explicatifs qui plombent parfois le genre. Le scénar est dégraissé jusqu'à l'os et la violence surgit séchement et sans esbrouffe. Pas de glamour.
La vengeance. Rude. Sale. Laborieuse. Le parcours de Dwight est un chemin de croix sans héros. Mais de toutes ces vies en ruine peuvent surgir un très bon film. C'est le miracle du 7ème Art dès qu'il n'est plus tenu en laisse.
Francisco,
Sang neuf
2013
1H30
Le Blu-ray Un rendu HD grande classe. Une matière très seventies mais un niveau de détail au top du support et un traitement des couleurs admirable. Belle sensation ciné.