FIRST MAN, l'homme éprouvé
Drame épique et intime Coup de coeur 2018
Damien Chazelle
*****
Bluffant Damien Chazelle.
Que ce soit pour La La Land ou Wiplash, ce jeune conteur (33 ans!) a l'art d'imposer des séquences d'ouvertures totalement immersives. Celle de First Man ne fait pas exception.
Dix minutes de vol stratosphérique qui plantent bien le décor. Le courage de Neil Armstrong s'éprouve à l'aune des vibrations de la carlingue. Le travail sur le son, phénoménal, participe autant que l'image et le montage au réalisme absolu de ce grand moment de cinoche.
S'affiche d'emblée le caractère quasi miraculeux de la conquête spatiale à venir. Un exploit surréaliste à une époque où il fallait la surface d'un wagon de train pour concentrer la puissance de l'ordinateur sur lequel j'écris ces lignes. Le caractère suffocant de l'espace restreint du cockpit nous fait tenir au plus près du héros. First Man sera une épopée où le spectaculaire restera attaché à l'intime. Et cela donne plus que jamais la mesure de l'exploit.
C'est toute la valeur et l'intelligence de ce très grand film: rendre compte de la plus viscérale des manières du plus fabuleux pari technologique et humain de l'histoire de l'humanité. Il est étonnant de penser qu'aucun film n'ait su embrasser la totalité de cette stupéfiante histoire vraie d'humains allant décrocher la lune dans une boite de conserve géante.
Ryan Gosling se coule dans le rôle avec évidence.
Qui mieux que lui, à la fois secret, intense et... lunaire, pouvait rendre justice à cette figure discrète qui a pourtant marqué l'histoire. Personnage semblable à celui de Drive. Professionnel et concentré jusqu'à l'autisme. Avant de découvrir ce merveilleux métrage je ne connaissais absolument rien d'un type qui a quand même marché sur la lune !
C'est probablement cet "effacement"d'un être dévoué à sa mission et à la marche de l'Histoire qui a fasciné le cinéaste de Whiplash. L'obsession. Celle de la conquête comme celle de la perte...
Porté par des acteurs et actrices royalement dirigés et une direction artistique méritant toutes les récompenses (des décors et effets spéciaux "en dur") le trajet de First Man est aussi celui du deuil. Frappé par la mort de sa petite fille Neil Armstrong puisera la force de poursuivre cette improbable et dangereuse aventure, lourde de sacrifices, justement dans ce dialogue permanent avec un au-delà. Les risques sont immenses, plusieurs astronautes y laisseront leur vie, mais en tutoyant la mort tout là-haut, Neil se rapproche aussi de l'enfant disparu. Et le symbole serre le coeur. Au retour de son odyssée, Armstrong devra retrouver "son" chemin.
L'ombre comme la lumière de l'exploit.
Chazelle n'oublie pas non plus d'évoquer les mouvements de protestation qui se sont levé à l'époque pour dénoncer le gouffre financier de ce pari humain et politique alors que les oubliés du rêve américain peinaient à manger à leur faim ou partaient mourir au Vietnam. Le challenge spatial comme outil de résilience. La vérité, rien que la vérité.
Dans un monde de super-héros tout en CGI ce très grand film sur un "vrai" super-héros se donne également tous les moyens d'exister. Visuellement le spectacle est captivant. Du travail de reconstitution à l'image elle-même. Une texture argentique grande classe issue de peloches Kodak 16, 35 et 65mm. La gestion du grain est magistrale.
Matières et couleurs ressuscitent le glorieux scope des années 60 et imprime sur la rétine la patine des images de l'époque. Chazelle remonte le temps avec la maestria d'une réalisation aussi affuté que toujours à hauteur de regard. Au plus proche de l'humain. Un mot sur la bascule en format IMAX qui occupera glorieusement tout votre écran pour la séquence d'alunissage.
Introduite au montage d'une manière magistrale (ce n'est qu'au bout de plusieurs minutes que j'ai réalisé la disparition des bandes noires) elle déploie un niveau de détail proprement hallucinant. First Man est un régal, que-dis-je, un festin !
Exploitant le décor d'une carrière, les décorateurs et la réalisation m'ont véritablement fait poser le pied sur la lune. Sans traverser de galaxie dans un déluge d'effets spéciaux et pyrotechnies numériques débridées Damien Chazelle m'a emmené bien plus loin que n'importe quelle cavalcade SF. First Man ne sent jamais le fond vert.
L'hommage aux pionniers passe ici par un hommage aux premiers temps de la SF. Ce génie de l'effet, du trucage et du décor apporte toute la chair à ce film où tout tremble et vibre. Nous "vivons" le film. Accrochés à la fusée, au coeur et à l'âme du premier homme ayant posé le pied sur la lune. Histoire d'un être éprouvé et silencieux dont le pas de géant et les premiers mots ont bouleversé l'humanité toute entière avant son retour dans l'univers de la pesanteur et du chagrin.
Francisco,
Immersion
The Beauty Of
Avis des membres
Nico
"Du cinéma !!! du vrai !!! viscéral, immersif, un cinéma du ressenti et pas du "dit". J'en suis sorti essoufflé et le cœur à 140 ppm... (je m'était déjà fait cueillir par Wiplash et j'était ressorti dans le même état)"
Thierry
" ... Alors que la plupart des articles et analyses à propos de ce film conjuguaient la demi-teinte, la légère déception voire même l'ennui, il est heureux de savoir qu'il n'en est rien. Et je suis d'accord, le film est sobre et beau, prenant et vibrant, transcrivant l'idée que l'on peut se faire de l'esprit des années 60..."
Chroniques Chazelle
2018
2H20
Le Blu-ray Que c'est beau ! Texture argentique grande classe issue de peloches Kodak 16, 35 et 65mm. Une gestion du grain magistrale. matières et couleurs ressuscitant le glorieux scope des années 60. La bascule en format IMAX pour la séquence d'alunissage, introduite au montage d'une manière magistrale, déploie un niveau de détail proprement hallucinant. Un régal, que-dis-je, un festin ! (Et le tout en steelbook)