L'AFFAIRE SK1, au plus près
Polar Serial Crime
Frédéric Tellier
*****
Coup de maître.
Venu de la télévision (Paul Sauvage, Un Flic, Les Hommes de l'Ombre) le réal et scénariste Frédéric Tellier fait ici son entrée au cinéma (après une expérience comme réalisateur de deuxième équipe et conseiller technique sur le 36, Quai des Orfèvres d'Olivier Marchal). Et le travail accompli est admirable. 6 ans de recherches, 3 ans d'écriture. Ultra-documenté et méticuleux son film, inspiré de longue traque tu tueur en série Guy Georges, avance avec la même rigueur que son personnage principal. Charlie, impeccable Raphaël Personnaz, jeune flic dont l'acharnement au taf contribuera à l'arrestation de ce tueur qui terrorisa Paris sept ans durant.
Le récit ne s'appuyant que sur les faits et les témoignages, vous n'assisterez à aucune mise en scène macabre des agressions du tueur "de l'Est parisien", hormis celle où la jeune victime à pu échapper à son bourreau (la séquence s'appuyant alors sur son témoignage). Les scènes de crime suffisent à exprimer toute l'horreur de ces mises à mort. Des visions et des photographies dont la violence contamine rapidement tout le récit. L'atmosphère n'en ait que plus éprouvante.
L'obsession de la traque, les faillites et errements de l'enquête racontent également le calvaire de ces flics qui vont poursuivre des années durant une ombre et épuiser leurs dernières illusions sur un métier trop souvent entravé par une bureaucratie et des querelles de pouvoir bridant toute initiative. L'affaire Guy Georges incitera d'ailleurs le gouvernement à mettre en place un fichier de recoupement des empreintes génétiques de tous les délinquants sexuels. Un fichier qui aurait permit d'épargner au moins deux vies aux sinistre tableau de chasse du tueur.
Le récit parallèle, celui du procès, profite de la prestation impériale de Nathalie Baye en avocate cherchant à percer l'armure du monstre (tétanisante prestation d'Adama Niane) Dénicher, au-delà du dégout, l'ultime lueur d'humanité qui poussera Guy Georges aux aveux.
Mécanismes de l'enquête, travail de justice et de vérité, tout cela serait bien austère sans cette qualité d'écriture qui offre à tous les acteurs l'occasion de camper solidement leurs personnages. Je salue la royale et rassurante présence d'Olivier Gourmet en taulier bienveillant du 36, accompagnant le douloureux parcours initiatique de Charlie au coeur des ténèbres. Acteur de premier plan il prouve ici qu'il sait habiter généreusement un second rôle avec un talent si contagieux que tous ces partenaires à l'écran en profitent. (Mon seul bémol au milieu de cette distribution reste l'interprétation un chouille théâtrale du chef de groupe incarné par Michel Vuillermoz)
Pas d'esbrouffe mais l'intelligence règne.
Sans génie mais avec efficacité, la réalisation suit sa ligne.
Précise, sobre, sans effets elle bénéficie de la photographie soignée de Matias Boucard (L'Odyssée). Une image au dessus du télévisuel à la patine Tavernier, façon L627. D'abord argentique pour le côté début des années 90 elle retrouvera ensuite la précision numérique de la fin de cette décennie.
Puis vient la scène des aveux de Guy Georges face à son poursuivant. Un ultime face à face, sous la lumière jaunâtre du bureau de Charlie. Dernière séance de déniaisement abandonnant un flic déjà rincé aux portes de l'enfer. Après huit ans d'enquête, l'effroi et le néant s'expriment avec un détachement totalement effrayant. Un climax dévastateur. Au terme d'un film d'une dignité absolue.
Sorti à un bien mauvais moment (le jour de l'attentat de Charlie Hebdo) L'affaire SK1 fait aujourd'hui figure de modèle à suivre.
Beau travail.
Total respect.
Francisco,
2014
2H