LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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LE SONGE DE L'AVIATEUR, piste 7

Sommaire

 

 

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À suivre 

 

 

 

 

Il n'y a rien à voir et il fait même un peu froid.

Continuez la lecture.

Encore quelques mots.

À présent, vous l'apercevez.

Comme une porte.

Là-bas, au loin.

 

Petit à petit, ça prend forme.

C'est d'abord une lumière vacillante mais à s'approcher se dessine, comme vous le constatez à l'instant,  la silhouette d'un type en train d'avancer tout en creusant dans le noir, loupiote sur le front.

 

Vous n'êtes plus très loin.

Continuez.

C'est un type penché sur sa machine à phrases et en le contournant, vous constatez qu'il a une drôle de gueule. Du genre crevé. C'est normal. Il ne dort jamais et sur ce taf il ne prend jamais de congés. Au mieux, il est en veille.

Là, il se contente d'avancer et vous le suivez.

Tiens, le voilà qui se tourne vers vous.

Il a un truc à vous dire.

 

- Salut les promeneurs ! Je sens  que je vous dois bien deux-trois précisions. Étant donné que vous avez pris la peine d'arriver jusqu'ici. Ssachez que vous êtes sur la piste d'un type qui avance en respectant scrupuleusement  toutes les règles de base du songe et de l'égarement. Aussi, je souhaite, pour qu'il n'y ait pas de déçus, que vous  imprimiez définitivement cette donnée avant  de poursuivre.

Si vous cherchez un fil rouge ou aspirez à un minimum de cohérence dans ce flux, vous pouvez zapper.

Ce genre de voyage peut désormais être pris en charge par l'Intelligence Artificielle. Elle maitrise tout ça. Elle vous sert désormais la soupe aussi bien, voir même mieux que les tâcherons de base de la ponte littéraire.

Mais épouser la logique du rêve et de la plume libre, ça il y a encore un avenir là-dedans. C'est bien pour ça que ma bécane à phrases fonctionne encore. Peu importe ce que vous pensez de tout ça  mais je peux vous garantir que vous êtes en territoire vierge et que tout peut arriver.

 

Si vous êtes toujours partants, ne me perdez pas de vue, je vais disparaître.

 

 

 

 

 

 

 

 

Tes mains dans mes poches

 

 

 

Elle sait quand il devient tout froid.

C'est quand il n'arrive plus à parler.

Alors

elle le prend dans ses bras.

Comme ça.

Il trouve ça chouette, toute cette chaleur qui l'envahit.

 

Le froid se glisse partout.

D'abord dans la tête

puis jusque dans les poches.

 

Ses mains sont fines et délicates. 

Dans ses poches aussi

il a de la place

pour elles.

 

C'est pour cette raison qu'ils ne se sont jamais perdus.

Quand vous glissez vos mains dans les poches de l'autre

forcément

il se met à parler.

 

Lui, il a souvent plein de poches.

Elle, ses mains restent fines et délicates.

Et les années passent.

 

 

 

 

 

 

 

Le chevalier à la lanterne

 

 

 

 

 

C'est une randonnée nécessaire.

Une de ces longues marches qui assèchent la boue de ces pensées minuscules qui rongent tout. Une de ses longues marches qui raniment le clair et puissant feu du coeur.

 

Je marché ainsi un bon moment, au hasard des sentiers. Mais dans l'état d'égarement où je me trouve, ma boussole intérieure me trahit. J'ai laissé mon seul pas dicter le chemin.

Le crépuscule pointe et je suis complètement paumé.

J'ai encore un peu d'eau dans ma gourde et quelques biscuits si la fringale me prend. Je poursuis en me disant que je finirai bien par tomber sur une route forestière ou une habitation. Rapidement, le soleil s’éteint derrière les collines, et l’obscurité tombe comme un rideau.  

 

Je marchae ainsi encore une bonne demi-heure sans jamais échapper au sentier. Fatigué, les pieds en vrac, je m'assois sur une souche et je commence à me demander si je ne suis pas parti pour passer la nuit dans la forêt.

Ici les téléphones ne captent plus. Je veux prévenir Puce mais rien ne passe.

La fraicheur montant l'idée de tenir jusqu'au matin est peu rassurante. Je ne suis pas franchement équipé pour.

Je pourrais  flipper mais je n'en ai pas le temps.

 

Au même instant, une douce lumière dorée émerge alors d'entre les arbres. J'ai déjà entendu parler de cette légende. Celle du Chevalier à la Lanterne. Sauf que la légende ici prend forme.

 

Se tient là devant moi, sur son cheval fumant, une haute et élégante silhouette drapée d'un manteau scintillant comme le ciel nocturne. Au bout d'une longue perche sa lanterne nimbe la scène d'une chaude lumière rassurante.

 

- Je suis Jean-Lux, le Chevalier à la Lanterne

- Salut jean-Lux. J'avoue que je suis bien content de tomber sur vous

Il acquiesça doucement

- On peut se dire "tu". Ce sera plus simple

- Ok, Jean-Lux.

Il se redresse et ajuste sa lanterne qui éclaire les sombres frondaisons.

La nuit est claire. Les étoiles sont bien en place.

 

- Je le vois, que tu as envie de te marrer

- Pardon?

- Mon prénom. Jean-Lux. Ça ne ramène pas du rêve. Même si Lux c'est rapport à la lumière et aux étoiles, tu l'as bien compris. J'aurais préféré Arthur, Gauvain ou Lancelot. Mais c'est ainsi. 

- Moi, Jean-Lux, ça me va.

- Et toi, c'est ?

- Francisco.

Il se redresse d'un coup sur son fier destrier.

- Francisco, l'écrivain anonyme, le chroniqueur ciné mondialement inconnu?

- Lui même.

- Enchanté.

 

La houle du vent caresse les arbres.

Le chevalier tousse, abritant sa bouche de son gant étoilé

- Bon, ne sois pas surpris du changement de ton mais je vais être obligé de te faire mon laïus habituel. C'est le rituel qui veut ça et c'est plus simple pour moi.

- Ok

 

Son cheval recule alors de quelques pas et se dressa de toute sa stature. Le bras du chevalier s'éleve doucement contre la nuit scintillante.

- Ne crains rien, ô voyageur. Annonce Jean-Lux, d’une voix calme et chaleureuse. Je suis le Chevalier à la Lanterne. Mon rôle est de guider ceux qui se perdent et de leur révéler les merveilles de la nuit. 

- Je suis carrément partant.

Sous sa lumière apaisante, Jean-Lux me fait signe de le suivre.

 

Nous avançons de quelques pas jusqu'au pied d’un grand chêne.

- Regarde. La forêt n’est jamais endormie...

Un bouquet de lucioles s'éleve et danse entre les buissons. En baissant les yeux je vois des champignons bioluminescents luire doucement sur les souches. Au dessus de ma tête la sombre et massive silhouette d'un hibou s’élançe silencieusement.

- La nuit appartient aux secrets de la nature, murmure Jean-Lux. Chaque créature a son rôle. Les racines des arbres murmurent entre elles, échangent des messages à travers la terre. Les étoiles que tu vois dans le ciel reflètent cette organisation parfaite. 

 

Je n'ai pas grand chose à rajouter.

La solennité du moment n'invite plus à la plaisanterie. 

Nous nous abandonnons aux bras de la nuit.

 

Le sentier s'ouvre sur une vaste clairière.

La voix du chevalier s'éleve de nouveau

La forêt la nuit est un royaume de mystères et de merveilles, où chaque élément semble murmurer des secrets anciens. Sous l’ombre enveloppante des arbres, ne sens-tu pas qu'un monde discret s’éveille, baigné par la lueur argentée de la lune et le scintillement des étoiles...

- Absolument, Jean-Lux. C'est complètement vrai.

 

J'avoue que je commence à avoir vraiment froid et la fatigue me pèse. Je bois la fin de ma gourde et réalise que je crève la dalle. Je pourrais vendre le royaume de Jean-Lux pour un jambon-beurre.

 

Inspiré, Jean-Lux poursuit :

- Observe comme les arbres, majestueux gardiens du silence, dressent leurs troncs vers le ciel obscur. Vois-tu leurs branches s’entrelacer et dessiner la voute d'une cathédrale toute entière offerte à la  lumière de la lune? Leurs feuilles bruissent et dessinent mille motifs éphémères au gré de la brise nocturne. L'entends-tu, Francisco, ce chuchotement discret qui berce l’obscurité?
Je hoche la tête. 
Il poursuit :

- Le voici mon peuple sage. Le chêne imposant, le bouleau lumineux et le pin au parfum relaxant.

- Tu as raison Jean-Lux, tout cela dessine une mosaïque de silhouettes amies.  

Il se tourne vers moi et me dessine son  plus beau sourire. Puis, il accélére le pas. Ce qui me va très bien. Il me semble déjà reconnaître ce quartier de la forêt. J'ai hâte de remonter dans ma voiture et de rentrer à la maison. 

La voix de Jean-Lux résonne de nouveau :

 

- Au sol, un tapis vivant s’étend. Les fougères déploient leurs frondes délicates, capturant les gouttes de rosée nocturne qui scintillent comme des perles. Des recoins humides naissent des fleurs nocturnes comme le jasmin sauvage, qui libèrent leur parfum envoûtant dans l’air frais. Les ronces, parfois hérissées de baies sombres, serpentent parmi les buissons  les orties et les herbes hautes frémissent parfois au passage d’invisibles créatures. 

J'enchaîne :

- Regarde Jean-Lux, un ruisseau traverse cette obscurité animée. Son miroitement lance des clins d'oeil aux étoiles et embarque le ciel dans sa danse.

Nous avançons ainsi, porté par les mots.

Je réalise à quel point la forêt, la nuit, est loin d’être silencieuse.

- Tout résonne, reprend Le Chevalier à la Lanterne. Chouettes, chauves-souris traquant des insectes, hérissons se faufilant dans les buissons et ce frémissement des feuilles signalant la fuite d’un renard ou d’un chevreuil. Plus profondément dans les bois, des blaireaux et des martres s’affairent. Et là-haut, dans les arbres, écureuils nocturnes et loirs grignotent des fruits et graines. Ne manque que le hurlement d'un loup solitaire. Mais ils seront bientôt de retour parmi nous.

 

 

Je reconnais que la magie flotte plus bas dans l’air frais de la nuit, comme chargée de rosée et de la vapeur des cours d’eau.

 

- Et la lune, hautaine, colore ce tableau d’argent, lance Jean-Lux le visage dressé vers le ciel.

 

Nous voici au bord de la route où je me suis garé.  

Au dessus de nous la voûte céleste se dévoile toute entière.

Le chevalier lève sa lanterne, et sa lumière semble se mêler à celle des étoiles.

 

- Regarde là-haut, Francisco, dit-il en pointant Orion, la Grande Ourse, et la Voie Lactée. Ces étoiles ne sont pas dispersées par hasard. Elles suivent des schémas anciens, des danses éternelles dictées par les lois de l’univers. Comme la nature ici-bas, elles vivent en harmonie. 

 

Il m'explique ensuite, alors que nous approchons de ma voiture, comment certaines étoiles guidaient les anciens navigateurs, comment leurs positions changeaient selon les saisons, et comment elles étaient liées aux cycles de la Terre. Chaque constellation racontait une histoire, un morceau de sagesse offert aux cœurs curieux.

 

Guidé par ses paroles et sa lumière, je fais doucement tinter les clefs dans ma main pour l'interrompre sans le heurter. 

- Merci, Chevalier. Ce que tu m’as montré ce soir, je ne suis pas prêt de l'oublier.

- Souviens-toi, Francisco, la lumière ne réside pas seulement dans ma lanterne. Elle est aussi en toi, dans ton regard curieux et ton cœur grand ouvert.

 

Lorsqu' il se penche pour me saluer, son téléphone portable se casse la gueule. En lui ramassant je constate non seulement qu'il a du réseau mais qu'il m'a pondu toutes ses tirades via ChatGPT. Je fais celui qui n'a rien vu.  Ce type vient tout de même de me reconduire à bon port. Je me suis cogné pas mal de clichés littéraires mais je ne suis plus perdu et je vais dormir dans les bras de la femme de ma vie.

 

Tandis que je m’éloigne, Je vois la lumière du Chevalier à la Lanterne s’effacer dans l’ombre des arbres. Je me dit que nos nuits recèlent quand même un sacré paquet de mystères et qu'il est impossible, au milieu de toute cette magie, de s'abandonner au désespoir.

Au pire, nous croiserons toujours, à la fin, un chevalier avec une lanterne. 

Et du réseau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un jour, bientôt, continuer piste 8 ...

 

 

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20/10/2023
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