LONGLEGS, bienvenue en enfer !
Horreur Thriller
Osgood Perkins
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- It's, like, a long dream. And so dark. A world of dark. Like, a Nowhere, between here and there...
Bienvenue dans les limbes.
Longlegs est le mariage le plus habile que j'ai pû voir ces dernières années entre le film d'horreur et le thriller.
Cette chasse au Serial-Killer par une jeune recrue du FBI un brin autiste, au regard hanté et aux troublantes capacités médiumniques ne cache pas son hommage au Silence des Agneaux, oeuvre pionnière du genre et référence absolue et indétrônable.
Plane également l'ombre du Fincher de Zodiac et Seven. Messages codés, signes et tueur maléfique à l'absente-présence contaminant l'ensemble du métrage.
Clin d'oeil macabre au sympathique personnage de "Daddy Longlegs" protecteur d'une jeune orpheline dans le célèbre roman de Jean Webster, Longlegs est ici une figure démoniaque.
Ombre, amorce, silhouette, portion de visage puis apparition horrifique, l'apparence de ce tueur aux trente ans de crimes vous hantera longtemps tant la composition d'un Nicolas Cage maquillé et grimé à outrance hisse à son point d'incandescence le talent rare de pousser le grotesque jusqu'à l'épouvante absolue.
Je ne l'ai jamais vu aussi terrifiant.
Face à lui, Maika Monroe, révélée dans It Follows et The Bling Ring, toute en retenue et rage intérieure, assure méchamment dans le rôle de Lee Harker, jeune enquêtrice au passé que l'on devine lourd de traumas.
Entre ses deux figures charismatiques chaque second rôle fait le job avec une classe folle. L'élégance naturelle de Blair Underwood lui permet de camper sans effort l'Agent Carter, mentor de Lee et substitut à une figure paternelle absente. Quant à Alicia Witt elle embrasse avec jubilation le rôle de Ruth Harker, la mère de Lee, dévote flippante à souhait.
Dans cette chaude ambiance d'esprits hantés, incarnés à la perfection par cette galerie d'acteurs quatre étoiles royalement dirigés, la réalisation inspirée d'Osgood Perkins déroule ses plans tirés au cordeau oscillant, suivant les époques (des 70's aux 90's) entre numérique et pellicule 35mm. Une mise en scène jouant également sur différents formats, du scope 2.35 au format carré.
Cette rigueur visuelle particulièrement pertinente, compte-tenue de la personnalité de l'héroïne, isole le personnage central le plus souvent au coeur de l'image faisant peser sur elle toute la menace de cet univers terriblement oppressant. S'étirent ainsi de longues lignes de fuite sur lesquelles pèse un ciel bas et lourd ou de longues focales laissant flou un arrière plan semblant masquer une horreur indicible. Longlegs est un bonheur à regarder.
La qualité première de ce bijou de cinéma de genre, futur film culte, est de ne jouer ni sur le gore ni sur ses quelques jump scares mais bien sur son atmosphère.
Aux choix de cadre et mise en scène louons la photographie d'Andres Arochi, petit génie venu du clip et du court-métrage, qui ne devrait pas tarder à retrouver du boulot auprès des plus grands tant la texture et la matière de ses images fascinent et participent de l'hypnose.
Le fiston d'Anthony Perkins, éternel Norman Bates de Psychose auquel le film lance d'ailleurs quelques clins d'oeil à travers, notamment, le personnage de la mère, nous livre, selon moi, son meilleur film.
J'avais apprécié Gretel & Hansel, relecture arty et flippante du conte des frères Grimm, et repéré un bon sens de l'atmosphère malgré un rythme étiré jusqu'à l'ennui dans I Am the Pretty Thing That Lives in the House (dispo sur Netflix). Ici, sur le fond comme sur la forme, l'ensemble respire la maîtrise. Si vous acceptez l'intrusion du surnaturel dans le polar, vous prendrez votre pied.
Le récit, implacable, avance sans gras ni temps morts (une oeuvre capable de tout emballer en moins d'1h45 c'est toujours un plaisir) jusqu'à son dénouement. Certains pourraient le juger un poil too-much, mais ce final s'avère en totale cohérence avec cet état de "crise" hallucinatoire" dans lequel trempe l'ensemble de ce futur film culte.
Polar imbibé de satanisme sur lequel trône l'ombre maléfique d'un Nicolas Cage totalement transcendé, Longlegs ne s'éloigne certes jamais des codes du film d'horreur ni à ceux du thriller, mais il les nettoie à neuf et dégage une telle fièvre et une telle fringale de cinoche que le résultat est pour moi totalement jubilatoire. Quel pied d'avoir la trouille d'aussi belle manière !
Et le talent, parfois, ça paye. Réalisé pour moins de 10 millions de dollars ce grand "petit" film a rapporté douze fois sa mise au niveau mondial. Une belle leçon pour les tâcherons de blockbusters à 150 millions de dollars peinant à rentrer dans leur frais. De quoi encourager les producteurs à faire confiance à de courageux outsiders porteurs de vrais projets de mise en scène.
Signe d'un film "qui compte", les images de Longlegs me restent en tête, contrairement aux frayeurs du genre horrifique, aussitôt vues aussitôt digérées. Je ne suis pas prêt d'oublier ce plan de Nic Cage, grimaçant, hideux, hurlant au volant de sa voiture :
- Daddy! Mommy! Un-make me, and save me from the hell of living!
Bienvenue en enfer, spectatrices et spectateurs avertis.
Francisco,
2024
1h40
Le Blu-ray L'admirable photographie du film participant pleinement à l'hypnose est ici servie au mieux par un top démo visuel et sonore ruisselant de détails ouvrant toutes grandes les portes de l'enfer.
Directed by
Osgood Perkins |
Writing Credits
Osgood Perkins | ... | (written by) |
Cast (in credits order) verified as complete
Maika Monroe | ... | Agent Lee Harker | |
Nicolas Cage | ... | Longlegs | |
Blair Underwood | ... | Agent Carter | |
Alicia Witt | ... | Ruth Harker |
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