THE BRUTALIST, puissant !
Drame Sortie Blu-ray
Brady Corbet
*****
Aussi viscéral que stimulant intellectuellement.
The Brutalist est de la race des chefs-d'œuvre rudes et terrassants.
Chaque plan, chaque séquence distille une tension et une violence sourde qui laissent le souffle court et les yeux grands ouverts. Je n'ai pas lâché l'écran, 3h30 durant.
Le propos est âpre, mais tout est beau, riche en matières, autant visuellement que sur le fond. L'atmosphère et la reconstitution de l'Amérique d'après-guerre jusqu'à la fin des années 50 sont quasi documentaires. Décors, costumes, photographie sur pelloche et en Vistavision : tout participe de l'immersion. Tout respire l'authenticité. Plans fixes ou plans-séquences, pas de gras ni de digressions inutiles. Tout est puissant. Tout fait sens dans ce récit où l'intelligence et l'absolue précision de la mise en scène sont magnifiées par cette direction artistique admirable.
Brady Corbet, également co-scénariste avec Mona Fastvold, nous entraîne dans les pas d'un brillant architecte rescapé de la Shoah. L'horreur à laquelle il a survécu ne sera suggérée que dans les silences d'un Adrien Brody totalement ressuscité après un Pianiste suivi de panouilles et de séries B honteuses ou, au mieux, bâclées. Entre détermination et désespoir, son regard magnétique déroule toute la gamme des émotions humaines.
Face à lui, une galerie d'acteurs royalement dirigés, au sommet de laquelle trônent un Guy Pearce méphistophélique et une Felicity Jones toute d'amour et de douleurs.
Hantés, bousculés par leur passé et leurs traumas, ces personnages soumis à leurs addictions nous embarquent dans une danse macabre de luttes de pouvoir, d'aliénations mutuelles, d'oppression et d'aspiration à l'intégrité et à la rédemption, dans un univers où tout se dérobe.
Autour d'un projet architectural répondant au "devoir de mémoire", mais trempant dans l'abîme, la notion de fondations semble sans cesse s'effriter au cœur de ce pacte faustien entre un génie et son mécène. C'est le cœur et l'âme flirtant avec le froid capital. Ce duel sans pitié sur lequel se bâtissent les nations.
Il est bon d'assister à ce genre de spectacle qui n'a d'exigeant que son ampleur et qui nous rappelle combien le cinéma est un art majeur lorsqu'il est conduit de main de maître. Mise en scène, musique, scénario : nous assistons là à la naissance d'une "famille" de cinéma plus que prometteuse — ils ont tous moins de quarante ans !
The Brutalist sonne comme le retour du grand cinéma. Une marche implacable, intime et épique, rythmée par la BO magistrale du compositeur britannique Daniel Blumberg, sur le fil de destins entremêlés.
Comme tous les chefs-d'œuvre, il sonde l'âme jusqu'aux ténèbres les plus profondes. À travers le portrait sans fards de ses personnages blessés, écorchés ou tordus, le rêve américain exhibe ses dessous hideux au travers d'une quête du totem et du monumental. Un banquet sinistre où victimes et bourreaux nourrissent le même monstre, animés par leur pulsion de survie ou leur volonté de puissance.
Puissant, c'est le mot.
Francisco,
2024
3h30
Le Blu-ray Toute la matière du support argentique vibre et palpite. Fascinant !
A découvrir aussi
- SUR LA ROUTE DE MADISON, sonate d'automne
- PAS UN DE MOINS, Cirimax nous rassemble !
- YOUTH, la force de l'âge