Série - TRUE DETECTIVE (saison 3)
Série Polar existentiel
Nic Pizzolatto
*****
Beau travail.
Moins féroce que la première saison, plus "rassemblée" que la seconde, cette troisième saison de True Detective travaille au plus proche du coeur de l'homme.
Après le choc de la saison 1, l'échec de la saison 2 (pourtant loin d'être scandaleuse) avait enterré cette anthologie du flic hanté, carbonisé par "l'enquête de sa vie". Avec, quatre ans plus tard, le retour en saison 3, force est de reconnaître que True Detective s'affirme, pour le moment, comme une trilogie jouissive sur ce glamour trash de la descente au tréfonds de l'obscur. Mort, deuil, folie, voyage dans la mémoire creusant éprouvant les âmes et les abandonnant, perdues aux portes de nulle part avec l'amour ou l'amitié comme seules bouées. Ouais, ça parait lourd dit comme ça mais la vie est ainsi faite, non?
Si le tandem Mahershala Ali / Stephen Dorff fonctionne sans accros on salue l'excellence du casting dans son ensemble. Des premiers aux seconds rôles, rien que de l'authentique et du crédible (Content de retrouver le revenant Stephen Dorff, la somptueuse Carmen Ejogo et le viscéral Scoot McNairy) Il fallait bien cette galerie de pointures car, oubliez l'action et le suspense, tout ici est affaire de personnages et d'atmosphère.
Et quelle atmosphère !
La patine visuelle, admirable, défendue par un Blu-ray de compétition, n'est pas sans évoquer les toiles sépulcrales du chef-op Roger Deakins dans le Prisoners de Villeneuve.
Si Pizzolatto lui-même est passé à la réal sur deux épisodes, Jeremy Saulnier (Green Room, Blue Ruin) plante soigneusemen le décor sur les deux premiers épisodes avant que le vétéran Daniel Sackheim (Game of Thrones, The Walking Dead, The Leftovers, Better Call Saul et j'en passe...) boucle avec maîtrise et une profonde intelligence du cadre cette luxueuse troisième saison. Costumes, décors, maquillages, tout est à l'unisson pour garantir un voyage en première classe. On se dit, une nouvelle fois, que le petit écran a mis une sacré raclée au grand, tant le spectacle, sur le fond comme sur la forme, hypnotise.
Le polar reste un moyen unique de parler de la violence, du deuil, du temps, de la perte des illusions et de la recherche du sens. Ce qui n'empêche pas à l'enquête de rester captivante. La juxtaposition des "trois époques" est fluide et traduit à merveille la fragmentation de la mémoire. Celle, malade et éprouvée, du flic vieillissant incarné royalement par Mahershala Ali (Green Book, Moonlight). Ce voyage dans le temps les acteurs l'accomplissent avec un talent fou. Regards, postures, démarche, look, diction.
Tous nous font ressentir à la perfection le poids des années et des épreuves.
Depuis le nihilisme radical du personnage de McConaughey dans la saison 1 l'écriture de Pizzolatto à mûrit et l'art de la nuance s'est invité. Le ton et le rythme sont moins immédiatement "accrocheurs" que dans la première saison mais j'ai trouvé le récit plus dense et la leçon plus subtile. L'auteur fait entrer ici un peu plus de lumière et de tendresse. Derrière le voile du cauchemar saignent les blessures et la fragilité des hommes. Un monde où même le besoin de consolation pousse au crime. La psychologie des personnages creuse un peu plus loin et, finalement, plus douloureusement. L'accouchement de la vérité se fait toujours ainsi. Dans la douleur. Parce que les trois saison de True Detective ne parlent que de ça. Cette douleur d'être au monde. Ce n'est pas un hasard si, ici, les enfants sont les premières victimes. C'est sur ce terreau du deuil et de l'absence insoutenables que le détective Wayne va user son existence et la peupler de fantômes.
Avant d'être une enquête cette nouvelle saison est une nouvelle auscultation de l'immense déprime sociale d'un monde où les plus fragiles restent les jouets des puissants. Un monde où l'innocence se cache et où l'amour et la loyauté sont celles de soldats résistant à la nuit. True Detective est dans le vrai et n'a pas fini de nous hanter.
Francisco,
Saison 4 (2023)
True Chroniques
2019
8 X 1H
Le Blu-ray Comme toujours avec HBO, le visuel régale. Nuances, couleurs, contrastes et haute précision, ce transfert rend grâce à l'art du détail qui nourrit une troisième saison plus riche visuellement que la seconde.