VOLTA À TERRA, le coeur de la terre
Doc Chronique paysanne
Joao Pedro Placido
*****
La terre est ouverte.
Les hommes peinent dans les sillons boueux du tracteur. La remorque penche à soutenir le terreau du labour. Tout se renverse. Dès les premières images, filmées au plus près des travailleurs, le regard du cinéaste est frontal, clair et puissant.
On y lit le même amour et le même respect que dans les Profils Paysans de Raymond Depardon mais tourné d'une manière plus directe, moins posée et contemplative. Quelques plans fixes dessinent l'élégie, paysages de matin brumeux, collines et champs éclaboussés par la lumière de l'été, mais c'est "en reportage", caméra à l'épaule, et en attrapant en gros plan les visages et les expressions des uns et des autres que le documentariste va chercher une vérité.
Une heure vingt durant, cette généreuse chronique paysanne suivra les pas du jeune Daniel et de son grand père. Le regard de l'un est candide et emplit d'innocence, celui du vieil homme semble apercevoir son dernier horizon. Celui qui s'en va et celui qui reste.
Volta À Terra bouleverse parce que l'avenir est hélas aux gigantesques exploitations et qu'ici l'humilité du tableau inspire toute la nostalgie d'un monde en train de disparaitre. Cette campagne du Portugal ressemble à la France paysanne des années soixante. Celle d'une communauté soudée, rassemblée autour du même labeur et participant aux mêmes fêtes de village. Celles des battages, après les moissons.
Conte des quatre saisons, la chaleur et le froid parcourent Volta À Terra.
De l'espoir à l'adieu, c'est un retour à la fois rude et paisible à des sensations essentielles mais le chant funèbre résonne derrière les musiques de manège et les feux d'artifice. Avec une forme de tendresse brute Joao pedro Placido nous livre d'authentiques moments de grâce mais nous quittons son film le coeur serré. Nous avons vécu des tranches de vie, des confidences, des éclats de rire et quelques bordées d'insultes adressées au animaux récalcitrants. Les politiciens en prennent aussi pour leur grade. On sème, on moissonne, on tond les moutons, on tue le cochon puis on danse. Daniel vit même, l'instant d'un bal (et grâce à la présence de la caméra?), l'illusion d'une idylle amoureuse.
Le lendemain, au moment de rappeler sa belle au téléphone l'amour semble flotter dans le crépuscule. Le jeune homme au regard innocent l'invite à le rejoindre mais il retourne seul et dépité à ses vaches... L'hiver revient et la caméra laisse Daniel disparaitre dans le brouillard. Il s'effaçe alors doucement, comme la silhouette du dernier homme appartenant à ce monde.
Francisco,
2014
1H15
L'image : Une VOD HD de belle facture. De la pâleur de l'hiver aux chaudes couleurs de l'été, l'image de Volta À Terra offre une belle définition du "naturalisme poétique". Si un éditeur avait le courage de sortir un Blu-ray de cette splendide chronique paysanne il trouverait vite sa place sur mes étagères, aux côté des Profils Paysans de Depardon.
Director:
Writers:
Laurence Ferreira Barbosa, João Pedro Plácido
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