DÉMINEURS, explosif !
Guerre
Kathryn Bigelow
*****
(15) ans après sa sortie aux États-Unis, que reste-t'il de Démineurs?
Tout.
Forcément.
Voici un bloc de cinoche plein de rage, à la musculature puissante. Tourné par une pro des films sévèrement burnés, alors réalisatrice des cultissimes Point Break et Aux Frontières de l'Aube, l'efficace, ici terrassante, Kathryn Bigelow ! Son aptitude à savoir placer son spectateur en immersion en plein coeur de l'action fait encore une fois merveille, dans cette virée mortifère au coeur d'une unité de déminage plongée dans la fournaise Irakienne. La forme nous embarque. Caméra sur l'épaule, le chef-op Barry Ackroyd (rompu au cinéma-vérité sur plusieurs films de Ken Loach) tourne les images sur peloche 16mm. Résultat une image à grain, instable, en mouvement permanent pour traduire l'extrême tension et l'urgence de ces situations "explosives".
Démineurs se vit et s'éprouve comme un reportage de guerre.
Une efficacité récompensée par un Oscar. Le premier attribué à une femme réalisatrice. Reconnaissance ô combien méritée! Aussi virtuose qu'inconfortable, ce parti-pris de mise en scène de Katheryn Bigelow, devenu aujourd'hui monnaie courante et singée jusqu'à l'écoeurement, est ici d'une cohérence absolue. Au-delà du sentiment de réalité et de l'authenticité qui s'en dégagent il est la manifestation du chaos, à l'extérieur et dans les têtes. Démineurs vibre à chaque plan. La lumière écrase et la chaleur des couleurs fait perler la sueur. Cette manière "guerrière" de "capturer" les images qui n'est pas faite pour les estomacs fragiles (sensibles au mal de mer s'abstenir) est l'expression même de la matière, du décor et de l'esprit du film.
À cette "urgence" visuelle s'ajoute une narration à l'os.
Le scénariste Mark Boal a vécu le quotidien de démineurs pour les besoins du film et sait écrire l'aridité, la violence et les décompensations de ces pros du métier le plus dangereux au monde. Nous entrons directement et restons dans le vif du sujet sans excès de pathos, sans gras, ni digressions inutiles. Chaque séquence grimpe ainsi en intensité et vient nourrir les fascinants personnages. Trois soldats d'élite, dont deux sont incarnés par deux futurs Avengers. Jeremy Renner, parfait dans le rôle de la tête brûlée de démineur. Face à cette "Arme Fatale" du déminage, Anthony Mackie, parfait de calme autorité dans le rôle du sergent posé et pragmatique. Au milieu, dans le rôle du bleu ou du témoin-spectateur, le jeune Brian Geraghty assure solidement sa fonction de jeune Padawan. La folie, l'expérience et l'innocence. Trois visages de la guerre qui vont progressivement se contaminer l'un l'autre. Entre moments "d'explosions"et ses moments de désamorçage où pointent l'émotion et l'humanité.
Derrière le spectacle des explosions et de leurs ravages Démineurs délivre sa saignante et amère leçon d'humanité. Tout y est cash sans glorification du héros ni dimension psychanalytique (Le seul psy de la bande finit d'ailleurs dans un sale état) Démineurs est le parcours de guerriers en première ligne, shootés à l'adrénaline et luttant contre la folie. Du cinéma sans rubans ni romance. C'est violent, sec et... indémodable. Et c'est, pour Katheryn Bigelow, un grand pas vers ses chefs-d'oeuvre à venir : Zero Dark Thirty et Detroit. L'envol d'une géante.
Francisco,
Bigelow
Désormais dispo en 4K !
(The Hurt Locker)
2008
2H10
Le Blu-ray (simple) Dans le genre respect du solide grain d'origine (tournage 16mm) pour un rendu "d'image documentaire tournée dans l'urgence"le transfert Blu-ray rend hommage à la photographie intense, bruitée et riche en matières et textures de Barry Ackroyd.
Director:
Kathryn Bigelow
Writer:
Mark Boal
Stars:
Jeremy Renner, Anthony Mackie, Brian Geraghty |