LAST FLAG FLYING, and then we're cool
Feel-good Drame
Richard Linklater
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J'ai donc classé Last Flag Flying dans les feel-good movies.
C'est parce que je me suis senti plutôt bien après. Pourtant, l' histoire aurait pu accoucher d'un drame pesant. Un vétéran du vietnam qui, quelques mois après avoir perdu sa femme, retrouve d'anciens compagnons d'arme pour leur demander de l'accompagner récupérer le corps de son fils mort en Irak.
Le drame est bien là mais l'oeuvre est chaleureuse et consolatrice. Le scénario, co-écrit avec Darryl Ponicsan, l'auteur du bouquin, déroule ses dialogues avec force et simplicité
- I'm not going to bury a marine. I'm just going to bury my son.
Steve Carrell.
Parlons un peu de sa prestation aussi humble qu'écrasante.
Il prouve, une fois de plus, que les anciens comiques accouchent souvent de purs tragédiens. Ils ont si longtemps pratiqué "la politesse du désespoir"que lorsqu'ils se dévoilent enfin sans leurs nez de clowns, ils bouleversent.
La pudeur, les larmes contenues, les rires et les sourires cassés du grand Steve Carrell vont vous rester longtemps en mémoire. Il m'avait déjà bluffé dans Foxcatcher mais ici le "travail" de l'acteur est invisible.
Autour de lui, Bryan Cranston et Laurence Fishburn viennent admirablement réchauffer l'atmosphère. Tous les trois excellents, chacun dans leur registre, se glissant dans la peau de personnages ayant fait le deuil de leur vie d'avant et soignant leurs blessures comme ils le peuvent.
S'accrocher à la bouteille, avoir la Foi ou retrouver de vieux potes, tout est bon à prendre pour continuer d'avancer. La renaissance progressive de leur amitié passée est délicatement amenée et permet à ces trois stradivarius de s'accorder avec grâce. Il faut préciser que l'élégante sobriété de la mise en scène comme la douceur de la photographie leur ouvre un boulevard.
La vie, le cinéaste Richard Linklater sait la laisser entrer dans ses films.
La trilogie Before, furieusement attachante, et Boyhood tournés, l'un sur près de deux décennies et le second sur une douzaine d'années, témoignent de son amour fou pour des personnages qu'il se refuse à quitter.
Le spectateur les regarde grandir et vieillir et ce sentiment de réalité semble effacer les artifices de la fiction. L'empreinte du temps n'est plus feinte et l'émotion gagne en authenticité. Véritable Geppetto du 7ème art Linklater insuffle un peu plus que des dialogues à ses créations.
Si j'évoque ces expériences, cet engagement artistique hors du commun, c'est parce qu'ils ont certainement contribué à faire de Linklater le fabuleux directeur d'acteur à l'oeuvre ici.
Le théâtre de Last Flag Flying est un grand spectacle. Tous au service de ce trio magique, les acteurs se font oublier. Ça coule tout seul. Personne ne traque l'Oscar ou ne cherche à voler la scène, on ne voit pas les coutures. Ils "sont", tout simplement. Les moments de complicité, évidents, et l'alchimie qui prennent forme au cours de ce road & railway funeral trip nous font vivre des ces bons moments de vie qui nous rappellent que le cinéma n'est rien sans grands personnages.
Avec Last Flag Flying nous sommes tous un peu moins seuls, on se fait de nouveaux potes. Je me suis marré et j'ai versé ma petite larme avec eux. La mort est là mais c'est bien elle qui ranime aussi le feu de la vie. Cette courageuse camaraderie qui rassemblent les vieux frères quand le pire est arrivé. Oui, c'est bien un feel-good movie. Un grand film de potes. Un grand film.
- Guys like us, we take all that shit till it's a disaster. And then we're cool. The worst has happened, like we knew it would.
Francisco,
Linklater Chroniques