SICARIO : LA GUERRE DES CARTELS
Thriller politique Narco Polar
Stefano Sollima
****
Est-ce que ça valait le coup ?! Une suite à Sicario ?!?
Je vais faire quasi une réponse de normand en répondant : Pourquoi pas.
Certes, le Sicario de Villeneuve est un tableau de maître, une perle noire qui se suffit à elle-même. Mais voilà, ce deuxième opus, même si il ne prend jamais l'envol d'un chef-d'oeuvre, tient plutôt bien la route, aligne d'impressionnantes séquences d'actions, des moments réellement émouvants et a surtout l'intelligence de se façonner sa propre identité. Un parti-pris et une intelligence d'écriture que l'on doit surtout au maintien de Taylor Sheridan, scénariste du premier brasier.
À l'admirable épure visuelle et narrative du premier volet (le chef-op de légende Roger Deakins a ici passé la main) succède un chapitre tout aussi brutal mais graphiquement plus rugueux et au récit plus dense ou l'intrigue se développe au niveau international.
Et se dessine également la perspective d'une trilogie.
Sans être une suite (le personnage joué par Emily Blunt est absente du récit) les personnages reviennent pour gagner en humanité en délivrer un peu plus de leur histoire. Au récit de vengeance inaugural porté par le personnage iconique d'Alejandro, Sheridan ajoute le terrible constat d'un trafic des humains devenu encore plus rentable que celui de la drogue. Vendre de quoi détruire les hommes puis vendre les hommes.
L'arrivée par avion ou bateau étant aujourd'hui quasiment étanche la frontière mexicaine reste le dernier espace poreux offrant une chance d'accéder à ce qu'il reste du rêve américain. Au milieu d'une foule de migrants fuyant la misère, la famine et la terreur, le scénario ajoute les terroristes. Des terroristes monnayant grassement leur passage au USA auprès des Cartels. Le récit décrit alors un État logiquement impuissant à garantir une sécurisation totale de ses frontières et prêt à pactiser avec le diable pour rallumer la guerre des Cartels de l'autre côté de la frontière. Tout est bon pour perturber ce trafic. En cela l'esprit du premier Sicario est bien là. Un regard sur l'homme, l'impuissance de la justice et l'inexorable contagion de la violence toujours aussi désespéré.
Pas d'angélisme. C'est l'innocence qu'on assassine. Deux figures adolescentes traversent d'ailleurs ce nouveau récit. Aucune ne sera épargné par les ravages de cette oppression et violence mafieuse gangrénant tous les systèmes. Le dernier humanisme est celui, déviant et rageur, de guerriers francs-tireurs
Alors, me direz-vous, cette multiplicité des personnages, ce regard sur l'état du monde et les ramifications de ces intrigues rendent-elles ce deuxième volet plus puissant et universel que le premier?
Étrangement, non.
Ce que les personnages gagnent en humanité ils le perdent en ombre et mystère. Leur pouvoir de fascination en ressort plutôt affaiblit. Mais attention, j'insiste, la réalisation de l'italien Stefano Sollima est solide. Sollima est loin d'être un manchot. C'est peut-être même le maître du polar ibérique des années 2000. Sicario 2 reste un bon film. Peut-être même un grand film (comme pour le vin, ça ne se vérifiera qu'au bout de quelques années) et, perso, je suis preneur pour que Sheridan boucle sa trilogie. Le réalisateur de Suburra et de Gomorra (la série) affirme de vrai points de vue et assume de vrais choix de mise en scène mais malgré ce bel effort qui place tout ça au dessus du tout-venant, l'ensemble ne dégage pas pour moi le même sentiment de maitrise que le chef-d'oeuvre funêbre de Villeneuve.
La tenue et la sobriété du premier film servait au mieux l'avancée implacable du scénario et l'incroyable bascule de son troisième acte. La retenue libérait l'imaginaire et, dans le même mouvement, soutenait l'ampleur et l'universalité du propos.
Armé de virtuoses plan-séquences et sans clipper ses scènes d'action comme le font les vulgaire tâcherons, Sollima assure une belle efficacité mais reste finalement assez frontal dans sa représentation de l'action. On ne retrouve pas cette "distance à l'élégance macabre" qui faisait toute la force des images du chef-op Roger Deakins sublimant totalement la mise en scène de Villeneuve. La pureté des images contrastaient admirablement avec la brutalité de l'action. Ici, l'aspect parfois "sale" et rugueux de la photographie de Dariusz Wolski (Prometheus, Alien Covenant) semble redondante. Elle ne fait que souligner l'évidence.
La faiblesse de ce deuxième opus repose pour moi sur ce constat. Cette sensation d'accompagner de beaux personnages et de suivre un récit puissant mais d'une manière finalement assez prévisible. Les chef-d'oeuvres sont ainsi. Des univers parfaitement autonomes et hors de portée. Ils accouchent parfois de beaux petits. Mais condamnés à grandir dans l'ombre...
Francisco,
L'original
2018
2H
Le Blu-ray La photographie plus rugueuse de Dariusz Wolski s'assume pleinement ici, loin des épures nirvanesques de Roger Deakins du premier opus. Il y a de la matière et du grain dans les scènes sombres, une texture conforme aux volontés du chef-op de ne rien rendre trop "propre". Ceci étant dit, la précision reste au rendez-vous, les contrastes solides et les couleurs flambent. Une expérience HD qui reste nourrissante pour l'oeil.
Director:
Stefano SollimaWriter:
Taylor SheridanStars:
Benicio Del Toro, Josh Brolin, Isabela Moner |
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