UNE BATAILLE APRÈS L'AUTRE, Viva la Revolución!
Comédie Farce politique Action
Paul Thomas Anderson
*****
- Weapons ?
- I think they're vegetarian
J’ai eu un mal fou à trouver le sommeil après cette séance, tout galvanisé que j’étais par le génie en éruption qui irrigue cette jouissive comédie course-poursuite, délicieusement anar, conduite pied au plancher avec une virtuosité étourdissante, le nez sur les rails d’une BO à tomber. En étendard claquant au vent : une palanquée d’acteurs et d’actrices débordant de charisme, visiblement ivres de joie de participer à un tel miracle de cinéma.
Avec une idée de mise en scène par séquence, le réalisateur prodige et visionnaire de Magnolia et There Will Be Blood se déchaîne — sans rage ni gros sabots mais avec une intelligence écrasante — non seulement sur l’Amérique schizophrène et éclatée d’aujourd’hui, mais plus largement sur notre part restante d’humanité, de plus en plus menacée par une exigence de retour à l’ordre aussi malaisante que dérisoire.
La prestation, aussi dantesque que grotesque, d’un Sean Penn en colonel au bord de la rupture, exprime à elle seule cette culture stupide, raciste et pathétique des "gros bras", persuadés de pouvoir rétablir un monde binaire qui n’a jamais existé. Sa performance m’a instantanément rappelé celle, totalement azimutée, de George C. Scott dans Docteur Folamour de Kubrick. Car oui, Une Bataille après l’autre décrit avec force et humour notre apocalypse quotidienne — au milieu de laquelle il fait bon s’arrêter quelques secondes, le temps de se faire un petit selfie.
Il y a longtemps que je ne m'étais pas autant marré devant un film. Et je parle pas d'une grosse poilade bien grasse mais d'un rire sain et libérateur !
Les mecs sont à l’Ouest, les femmes mènent le bal.
Certes, on se régale d’un DiCaprio en survoltage aux côtés d’un Benicio Del Toro désopilant en godfather claquettes-chaussettes, régnant sur une Amérique underground et solidaire, bien décidée à sauver les miches des derniers révolutionnaires. Mais c’est bel et bien l’incendiaire Teyana Taylor qui allume le feu dès l’ouverture, suivie d’une héroïque Regina Hall et d’une jeune actrice prometteuse : Chase Infiniti (aperçue dans la série Apple Presumed Innocent), qui catalyse à elle seule tous les enjeux de cette farce foisonnante et irrésistible.
Anderson planchait déjà depuis dix ans sur cette nouvelle adaptation d'un roman de Thomas Pynchon (Vineland). Depuis Inherent Vice (2014). Encore une fois il a gardé toute la fièvre et la sève de l'univers propre à cet auteur culte peuplé de révolutionnaires paumés, d'ados en roue libre, de familles dysfonctionnelles, de militaires obsessionnels dans une société gangrénée par un suprémacisme décomplexé. En le transposant des années 60/70 à l'ère Trump et sa démagogie biberonnée aux réseaux sociaux il en souligne l'universalité et la brûlante actualité. Le tragique bouillant sous la farce.
Encore une fois, P. T. Anderson enterre la concurrence par sa capacité à créer — même au cœur d’un chaos absolu et irréversible — un univers jamais pris en défaut de crédibilité, fourmillant de détails, accouchant du seul miracle qu’attendent les cinéastes : la vie !
Oui, Une Bataille après l’autre est un torrent, bousculant par vagues successives le spectateur en extase que j’étais. Un mouvement de navire fou que condense à elle seule la poursuite de bagnoles finale. En bondissant d’un dos d’âne à l’autre, l’espoir de remettre un peu d’amour au cœur de toute cette folie furieuse reste, malgré tout, le moteur le plus vibrant de notre fuite éperdue.
- Be safe !
- I won't.
Francisco,
Chroniques P. T. Anderson
(Visuel provisoire)
2025
2h45
Sortie Blu-ray : Le 28/01/2026
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