LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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BONES AND ALL, balade sauvage

Love & road-movie horrifique      Conte macabre

Luca Guadagnino 

****

 

 

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Quelques mots sur cette balade sauvage cannibale.

Le réalisateur de Call Me by your Name Luca Guadagnino a le mérite de se réinventer en déclinant ici une relecture aussi âpre et violente que poétique du film de vampire.

En s'appuyant sur l'adaptation du bouquin de Camille DeAngelis, il s'invite avec une certaine grâce sur les terres du cinéma de genre. Son acteur-étendard Thimothée Chalamet semble prendre son pied à changer de registre même si son physique de lutteur anorexique peine parfois à convaincre dans la sauvagerie du parcours de la jeune Maren. Parce que oui, le personnage principal est bien Maren.

 

Le sel du film, c'est elle. Une jeune femme aux pulsions cannibales, petit défaut qui bride un peu le rapport aux autres et condamne à une certaine solitude, abandonnée par un père qui ne parvient plus à gérer. Elle va devoir embrasser, seule, les  ténèbres comme l'incandescence de sa destinée hors-norme.

 

 

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Drame, road-movie, d'instants horrifiques en heures magiques à la Malick, Luca Guadagnino développe un vrai sens de l'atmosphère et une langueur indé-seventies  assez envoûtante. Quelques plans insistants et deux trois ventre-mous dans le scénario gâchent parfois un peu le plaisir mais globalement j'ai franchement apprécié le voyage.

 

Cinématographiquement parlant, le festin est généreux.

La réalisation est posée et la photographie divine. Un tournage en bon vieux 35mm qui est l'oeuvre d'un jeune prodige de l'image de moins de trente ans, Arseni Khachaturan, qui signe ici une de ses premières direction photo sur un long-métrage. Son travail, qui devrait encore faire des merveilles dans la série à venir The Idol (production HBO du créateur d'euphoriaréveille ici toute la patine d'un cinoche américain aujourd'hui délaissé au profit de drames lisses et propres sur eux,  de feel-good trépanés, de jump-scare prévisibles et de héros sur fond verts.

Ce cinoche des "losers magnifiques" et leurs dérives jusqu'au-boutistes. Oeuvres matures, parfois délicieusement inconfortables, qui nous rappelaient ô combien nous disposons tous d'une âme fragile et obscure.

 

Au-delà de ses quelques maladresses, prix d'une franche liberté de ton et de traitement, Bones and All creuse en profondeur. Sa noirceur est d'ailleurs joliment défendue par un second rôle de premier plan. La présence fantomatique et plus qu'inquiétante d'un Mark Rylance particulièrement angoissant en vétéran de la viande servie encore tiède.

 

 

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D'une rencontre à l'autre, la mort et l'amour sa partageront le trajet de la jeune femme. Un tel rôle ne laisse aucune place à l'approximation et peut vite virer au casse-gueule voir au ridicule. Mais en fin directeur d'acteur, Guadagnino révèle tout le talent de l'épatante actrice Taylor Russell qui, tout en délicatesse et justesse, transcende allègrement son rôle pour lui apporter une dimension totalement universelle. La post-ado en décrochage ne trouvant nulle part sa place. 

Découverte récemment dans le magnifique Waves (chronique encore sur la page d'accueil) son jeu minimaliste mais toujours habité traduit avec autant de conviction la fragilité que l'animalité. Une dynamique entre violence et innocence qui fait toute la saveur de cette oeuvre singulière. C'est bien elle la révélation du film.

Sa "bloody love story" avec Chalamet  évoque clairement celle de Martin Sheen et Sissy Spacek dans La Balade Sauvage de monseigneur Terrence Malick. Relation passionnée, heurtée,  iconoclaste et meurtrière. En cela Bones and All s'inscrit également dans la filiation du Morse de Tomas Alfredson (2008) film de genre vampirique embrassant la chronique sociale en aspirant à une forme de réalisme poétique du meilleur goût.

Bref, que de bonnes références.

 

Seul le temps dira si cette oeuvre, déjà magnétique, rejoindra le sanctuaire privilégié des films cultes. Je peux affirmer que pour tous les fatigués des productions sur-calibrées actuelles elle mérite carrément le coup d'oeil. Vous pouvez même y mordre à belles dents.

Bon appétit !

 

 

 

Francisco, 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

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2022

 

2h10

 

Le Blu-ray                   ô charme incomparable de la patine argentique !  couleurs, contrastes nuancés... toute la chaleur et la matière d'un tournage en 35 mm sont servis au mieux sur ce Blu-ray respectueux d'un grain ciné qui caressera les yeux de tous les nostalgiques

 

 



23/04/2023
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