DE GUERRE LASSE, pour la beauté du geste
Polar Drame
Olivier Panchot
***
Beau geste.
Pas de quoi couvrir des pages et des pages mais voici un bon petit polar made in France.
Dans les pas d'un légionnaire rentrant traumatisé des montagnes d'Afghanistan voici une sombre histoire de famille, de rivalités mafieuses, de vengeance, de secret et d'amours impossibles au coeur d'une cité Marseillaise filmée sous un ciel bas et lourd. Tension, violence, spleen, syndrome post-traumatique, bref noirceur à tous les étages!
Le réalisateur et scénariste Olivier Panchot s'attaque au cinéma de genre qui tâche avec un joli festival de gueules sévèrement burinées, de ruelles étroites, caves humides, chambres miteuses et piscine aux eaux troubles. Tatoué et musclé à souhait Jalil Lespert campe un personnage borderline aussi brutal qu'attachant totalement crédible. Une vraie présence. Bonheur également de retrouver le charismatique Tchéky Karyo et la charmante Sabrina Ouazani.
La réalisation est particulièrement soignée, avec un sens du cadre aiguisé et le goût de l'atmosphère qui pèse. Magnifique travail sur l'ombre et la lumière signé du chef opérateur Thomas Hardmeier. L'artiste derrière les somptueuses images du Yves Saint-Laurent de Lespert et du T.S Spivet de Jeunet.
Si la direction d'acteur semble rigoureuse, la principale maladresse du film repose sur les dialogues encore trop écrits et quelques scènes inutilement étirées selon moi. Une écriture qui porte encore les lourdeurs du bon vieux téléfilm français, lequel ne brille pas réellement dans l'art délicat de la suggestion par l'image.
Aussi sur une partition trop "composée" les acteurs peinent parfois à sauver leur naturel. Exemple Tchéky Karyo passant à coté de ses scènes de révélation du "secret de famille". A la réalisation, au scénario et aux dialogues, Olivier Panchot manque de recul sur son oeuvre. C'est sans doute ce qui la maintient un peu trop près du sol et l'empêche ( de peu) de rejoindre les fleurons du genre signés Audiard ou Marchal.
Ces exemples aériens d'un grand cinéma populaire, exigeant, soigné et ne s'interdisant pas de poétiques fulgurances. Mais je dis bravo quand même. Olivier Panchot entretient habilement son ambiance à couper au couteau jusqu'au dernier plan et son twist final efficace et couillu. La musique envoutante d'Éric Neveux y est dans doute pour beaucoup.
Grâce à la prestation totalement "habitée" de Jalil Lespert, la crédibilité des scènes d'action et un bon casting de gueules de truands, De Guerre Lasse (rebaptisé piteusement "Marseille, de guerre lasse" pour la sortie vidéo) reste un bon film, visuellement accomplit, ce qui est déjà un beau geste dans l'univers sclérosé et un peu rance du cinéma français actuel.
Francisco,
Engagement
2014
1H30