DUNE, retour aux choses sérieuses
SF Space opera mystique
Denis Villeneuve
****
Monumental.
Tout ici est monumental et, forcément, pour animer cet ensemble, d'ores et déjà classé historique, le casting se doit d'insuffler sueur, sang, tripes et émotions au gigantisme minéral et sableux de cet univers d'une sublime austérité. À ce propos, après une décennie d'une SF trop souvent Marvelisée en fluo avec blaguounettes en rafales, ce retour "aux choses sérieuses" a quelque chose de profondément rassurant. Là-dessus, je ne vais pas bouder mon plaisir. Sauf que ...
le sérieux vire souvent au pontifiant. Les postures de jeu de ce casting quatre étoiles rajoutent souvent au caractère empesé de l'ensemble. La parabole sur l'infinie avidité des êtres et le dangereux virus du pouvoir sur fond de ruine écologique vire alors à l'évangile un poil pétrifiée.
Sinon, on se calme et on y va quand même.
Parce que oui la mise en scène, la photographie et les décors sont absolument fabuleux. Aucun cinévore digne de ce nom ne peut regretter le voyage au pays du plus grand cinéma. Le découpage technique est une leçon de cinéma. On imagine que le tout a été hyper préparé et storyboardé au millimètre. Le travail paye : chaque plan est un tableau. La sensation d'immersion au sein d'un nouvel univers est totale. Mais lorsque j'entends ici et là que Villeneuve a signé sont Lawrence d’Arabie galactique je préfère m'arrêter un instant.
En effet, on oublie un peu vite que cette oeuvre cultissime de soixante ans d'âge repose non seulement sur le fait que personne n'a mieux filmé le désert que David Lean mais que son statut tient aussi sur les épaules d'un acteur fascinant, sublime Peter O'Toole, défendant un personnage aux multiples facettes jouant sa partition aussi bien à l'ombre qu'au soleil avec un talent égal. Dans le cas de Dune, même si je sais que nous sommes un peu obligé aujourd'hui de trouver Chalamet absolument génial dans tout ce qu'il fait, je reste circonspect.
Je peine à ressentir l'aura messianique du personnage de Paul Atreides dans l'interprétation mâchoire serrée et balai dans le cul du jeune et frêle Timothée.
Personne n'est mauvais dans ce casting d'une grande élégance, mais beaucoup sont un peu au théâtre. Plus tragédiens que comédiens. C'est noble, certes, mais ça fige un peu. J'épargne, et là j'insiste, l'imposant et furieusement sympathique Jason Momoa qui insuffle force, humour et passion à la figure westernienne de Duncan Idaho et la magnétique Rebecca Ferguson dans le rôle de Lady Jessica dont le regard enflamme l'écran. Ils filent par leur charisme de salvateurs coups de pied au fondement de ce grandiose, mais un chouille rigide, livre d'image. La présence de la charismatique Zendaya reste trop fantomatique et les apparitions de Javier Bardem et Dave Bautista trop rares pour dynamiter le show.
Heureusement les vers sont vraiment géants et avec la musique plus le travail titanesque sur le son le ticket de cinoche est, je le disais, amplement rentabilisé. Villeneuve ne se moque à aucun instant des spectateurs. Aujourd'hui, c'est une exigence furieusement respectable.
Bon, peut-être que tout cela s'animera encore plus lors du second volet qui verra donc le jour compte-tenu du succès en salles.
Et c'est tant mieux.
J'ai également apprécié les clins d'oeil à Apocalypse Now dans la composition Kurtzienne de Stellan Skarsgard en méchant empereur Vladimir Harkonnen. Il en impose de part son autorité naturelle et sa présence apporte cette petite touche de fureur bienvenue sur l'austère partition de cette symphonie. Je me permets cette petite référence musicale en passant car oui, la musique est, disons... omniprésente !
Qu'ils traversent un couloir, grimpent dans un vaisseau ou boivent un coup, le tout est systématiquement arrosé d'une musique tonitruante. Ce n'est pas que la partition de Hans Zimmer est mauvaise, loin de là (ses variations orientales et la présence de cornemuse sont franchement scotchantes) c'est juste que l'excès devient parfois indigeste. D'autant que la magnificence du spectacle n'a pas forcément besoin de ça. Au sein de cette sublime cohérence visuelle le silence serait certainement en or massif.
C'est un peu pour tous ces effets de manche que je suis sorti du cinoche plus étourdi que totalement emballé. Un sentiment qui sera certainement tempéré après la deuxième séance.
Soyons bien d'accord, visuellement Dune c'est de la bombe.
Le spectacle mérite d'emblée quatre étoiles. Costumes, vaisseaux offrent des leçons de design à tous les tâcherons de la SF. Cette direction artistique exemplaire sur tous les plans dessine une authentique oeuvre d'art dont les images nous hantent très longtemps après la projection. Seulement voilà (pour le moment et après une seule vision) j'ai largement préféré la richesse narrative et la profondeur des personnages de son Blade Runner 2049. Dune reste quand même la première source d'inspiration de la saga Star Wars et j'avoue que les histoires d'Empereur maléfique, de Force, d'Élu et de vaillante résistance provoquent en moi un léger assoupissement. Pour le dire poliment, j'en ai un peu ma claque de ces randonnées ultra-balisées.
Pour résumer mon humble et dérisoire point de vue je dirais ceci : Le Dune de Lynch m'avait plutôt consterné, celui de Villeneuve est immense visuellement, somptueux dans ses effets, mais encore fragile dans ses raideurs. Des verrous narratifs qui ne demandent qu'à être levés lors du prochain opus qui, j'insiste, devrait "lâcher les chiens". Après Premier Contact et Blade Runner 2049 Villeneuve rejoint avec Dune le club des 5 grands "peintres" de la SF aux côtés de Scott, Snyder, Cameron et Spielberg.
J'espère sincèrement réévaluer cette chronique à l'avenir (me laisserais-je alors séduire par ses dimensions opératiques?) parce que, franchement, je salue l'ambition.
Francisco,
La méthode Villeneuve
2
Chroniques Villeneuve
2021
2h35
Le Blu-ray J'ai donc investi dans le steel 4K et Blu-ray simple, même si pas encore équipé je prends de l'avance. La version HD simple est déjà une tuerie avec une précision sans failles et un niveau de détail affolant. D'après la plupart des tests, question éclat et couleurs la version 4K hisse tout cela un cran au-dessus. Bref l'investissement est solide. La nouvelle vision en Blu-ray confirme l'orgasme visuel permanent.
Directed by
Denis Villeneuve |
Writing Credits
Jon Spaihts | ... | (screenplay by) and |
Denis Villeneuve | ... | (screenplay by) and |
Eric Roth | ... | (screenplay by) |
Frank Herbert | ... | (based on the novel Dune written by) |
Cast (in credits order) verified as complete
Full cast & crew
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