DUNE : DEUXIÈME PARTIE, décoiffant!
SF Space opera mystique
Denis Villeneuve
*****
Si le premier volet, admirable sur la forme, m'avait laissé plus mesuré sur le fond en raison de l'aspect un poil "pontifiant" de l'ensemble (quoiqu'à chaque nouvelle vision je suis touché par la suprême élégance de cette oeuvre aux plans tirés au cordeau), cette réserve s'envole dès les premières minutes de cette admirable seconde partie.
L'univers comme les enjeux dramatiques sont posés et les personnages prennent chair et caractère. Bardem et Zendaya ont enfin une partition à jouer pour apporter âme et sentiment à cette cathédrale SF. Chalamet prend de l'étoffe et desserre les mâchoires. Plus de deux ans ont passé entre les deux opus et son regain d'assurance et de légitimité l'impose sans mal dans son rôle à dimension messianique. Rebecca Fergesson est égale à elle même, c'est à dire impériale.
Face aux vaillants résistants s'oppose et s'impose, en pendant maléfique de Paul Atréides, un charismatique petit nouveau en la personne d'Austin Butler. Peau d'ivoire et rasée de près, son personnage de jeune leader Harkonnen psychotique fait son petit effet. Aussi flippant que magnétique on tient là une future grande star à l'instar d'un Brad Pitt ou Matt Damon en terme de charme et embrasement instantané de l'écran. Après m'avoir bluffé dans Elvis et séduit dans la récente série Masters of the Air il devrait casser la barque aux côtés de Tom Hardy dans le prochain The Bikeriders. Il est un des atouts majeurs de la réussite de cette deuxième partie.
Réussite sur la forme (durant la première heure et demi j'ai plusieurs fois chuchoté "putain comment c'est beau") Dune 2 ramène aussi du fonds.
La réflexion sur le pouvoir & la délicate frontière entre croyance et fanatisme, religion et oppression gagne en intensité et profondeur. Fini l'opposition ultra schématique entre le bien et le mal. Nous avançons de plus en plus en zone grise même si sur l'écran le show reste éclatant.
La leçon de cinéma impressionne. Défendus par ces acteurs bien dans leurs marques les morceaux de bravoure s'enchaînent. Scènes grandioses de sabotage des "moissonneuses", hallucinant "domptage" du plus grand des vers géants, affrontements dantesques contre les Harkonnens et les forces de l'Empereur. Le spectateur exigeant que nous sommes se régale d'une belle idée de mise en scène à chaque séquence, d'une photographie divine et d'une B.O du lyrique Hans Zimmer qui sublime allégrement la dimension follement épique du spectacle. Oui, ô lectrices et lecteurs bien aimés, j'ai goûté ici à une certaine idée du nirvana cinéphilique.
N'en jetons plus, Dune a tout pour assoir son statut d'oeuvre incontournable de l'histoire de la SF et devrait, au terme d'un troisième volet d'ors et déjà confirmé, devenir la plus mature et virtuose des grandes sagas du Space opera aux côtés des "contes" merveilleux de Cameron, d'un Star Wars Univers en totale dégringolade ou une épopée Star Treck qui peine à se réinventer.
Je ne fais par référence ici à l'esprit Comics de chez DC ou Marvel qui habite un territoire bien différent. Ces univers, eux aussi en berne aujourd'hui, ont accouché de petite bombes visuelles jouissives, dont quelques tours de force signé du virtuose Zack Snyder, mais elles aspirent rarement, selon moi, (excepté le fascinant Watchmen dont l'ampleur et la dimension "politique"dépasse le cadre étriqué du film de super-héros) à développer la même ambition narrative ni la même aspiration à une forme de point de vue méditatif sur l'être et le monde. Quel meilleur miroir que la SF pour projeter nos angoisses et interrogations quant à notre devenir. Pillage écologique, déviance religieuse, tentation totalitaire, les clins d'oeil à notre présent désolant abondent ici
Dune, par la virtuosité de son montage, déjà irradiant sur la première partie, se pare même parfois d'un rythme propre à un cinéma plus contemplatif. Suprême élégance d'un spectacle qui ne prend jamais son public à la légère. Il faut dire que le regard se perd facilement dans l'immensité des dunes de sable d'Arrakis balayées par un des vents épicés. Le chef-opérateur Graig Fraser (récemment à l'oeuvre sur le chiadé mais tiède The Creator) nous régale de visions éblouies et d'aubes et crépuscules envoûtants.
Grâce à cette seconde partie plus animée et incarnée et sa figure messianique en clair-obscur Villeneuve a finalement bel et bien réalisé son "Lawrence d'Arabie SF". Une expression qui m'avait fait un peu tiquer il y a trois ans. Force m'est de d'admettre aujourd'hui qu'il y a très longtemps que l'on n'avait pas aussi bien filmé le désert.
Villeneuve confirme et surpasse une nouvelle fois toutes mes attentes. Après avoir signé deux de mes polars préférés (Sicario, Prisoners) et une suite sublime de mélancolie au Cultissime Blade Runner de Ridley Scott, il s'impose véritablement, aux côtés de Nolan ou Cuaron, en nouveau maître du blockbuster SF qui pense et interroge sans oublier de divertir. Il se glisse dans les pas de Kubrick, Scott et Spielberg sans oublier d'aller titiller une mystique autour de l'identité et de l'incarnation digne d'un Tarkovski. Et tout cela, comme chez les maitres sus-cité, au fil d'une facture visuelle crédible. La direction artistique est phénoménale et tout ici semble bien présent "colossal" et épais.
Voilà une seconde partie qui a l'immense mérite de redonner ses lettres de noblesse à une première partie qui avait la lourde tâche de semer le vent avant la tempête. Désormais le spectacle est rugissant et décoiffant. La cohérence de l'ensemble s'impose et toute la magie du cinéma SF ainsi glorieusement restaurée triomphe de nouveau.
Merci Denis Villeneuve !!!
Francisco,
Dunes
1
Chroniques Villeneuve
2024
2h45
Le Blu-ray : Après un premier volet ébouriffant visuellement, le second repousse encore plus loin la sophistication esthétique. La patine et la richesse des textures d'une image numérique retravaillée en 35mm régale l'oeil en permanence. Tout est vivant et vibrant, rien de lisse. Niveau de détail et couleurs nous portent au nirvana du support. Quel dommage en revanche ce choix du scope pour un film tourné principalement en Imax. Une bascule de format comme sur les films de Nolan aurait été un couronnement. Une future édition, peut-être...
Directed by
Denis Villeneuve |
Writing Credits
Denis Villeneuve | ... | (screenplay) and |
Jon Spaihts | ... | (screenplay) |
Frank Herbert | ... | (novel) |
Cast (in credits order)
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