LE CRI DU CHAMEAU saison 3 épisode 1
Comme un gigantesque bras d'honneur
sous la pluie, le vent et tout un tas de trucs qui volent ...
- J'ai cru que tu n'avais plus envie de continuer.
- J'attendais. Il y avait tellement de boucan et de bordel autour que je n'entendais plus cette histoire de chameau. Il suffisait que je reste là, un moment.
Extrait du carnet de poèmes d'un Folk Singer imaginaire nommé Little Billy:
Ce qu'il faudrait, c'est prendre nos envies de mourir à la légère
Parce qu'elles n'ont aucune importance.
Le fait est que l'on peut se les trimballer longtemps
sans y faire jamais vraiment attention.
Elles trainent dans nos pas
comme un ourlet défait
ou une chaussette qui retombe.
On peut toujours marcher avec.
Ce n'est pas grand-chose
une envie de mourir.
Juste une idée comme ça,
qui se laisse aller dans la tête.
C'est commander un peu de lenteur aux mouvements.
histoire de voir se pointer
tout là-bas
au loin
la petite faucheuse.
Elle pousse facilement
n'importe où
et n'importe quand.
C'est à cause de la petite pluie de la routine.
Ce qui gicle des cadrans horaires
Actions dérisoires
Conversations dépourvues d'art et de littérature.
Et se cogner tout ça avec un maximum d'élégance.
Jour après jour
Toute cette merde nous passe à la douche.
L'envie de mourir
tient aussi au fait que sur la petite notice du quotidien il est précisé :
Prière d'agiter votre petit drapeau avec enthousiasme
pour trouver votre place.
Bien au chaud
dans l'immense cortège des imbéciles.
Voilà
Merci de suivre le mouvement
et de rester bienveillant
jusqu'à l'abattoir
ou la maison de retraite (dans le meilleur des cas)
" Vous ne voulez vraiment pas descendre à la soirée bingo, monsieur Billy?"
" Vous êtes tout mouillé, je vais demander à Sophie de venir vous changer"
" Ce n'est pas très grave, ce n'est pas la grosse commission, monsieur Billy"
Bah...
Il ne restera rien de tout cela.
Les vestiges du jour reposent dans l'art et la nature.
Le reste est à se pendre.
Ce n'est pas indécent d'avoir envie de mourir.
Comment
avec deux sous d'intelligence
peut-on trouver réjouissante la perspective de pousser toute la journée son petit rocher?
Et de remettre ça
dès le lendemain
un poil plus vieux
et fatigué
Sans doute
parce que l'on reste des mômes.
On attend une surprise.
C'est humain.
Et parfois elle arrive.
La surprise.
L'amour.
Le big Love.
Alors, seulement, l'envie de mourir se défriche.
C'est comme un peu de musique, traverser un jardin, voir un grand film ou sourire.
Comme de se passer la tête sous la douche quand on est chauve.
Si vous rencontrez l'âme-soeur
vous pourrez même tondre à ras cette petite envie de crever
Mais
le fait est
que ça continue de pousser.
Contrairement à ce que les contes nous apprennent
l'amour est aussi un miracle difficile.
Parce que l'envie de mourir pousse aussi chez l'autre
gardez aussi un oeil sur son jardin!
Aussi, j'insiste :
Il faudrait prendre nos envies de mourir à la légère
Une manière comme une autre de ne pas lui donner trop d'importance
c'est de partir en virée.
Parce que, dans le fond, on aime bien aller se redessiner ailleurs
Moi je chante en grattant ma guitare
Je danse
ou je me régale d'une assiette bien décorée.
Ce n'est pas vraiment mourir, ça.
C'est autre chose.
Jouer, danser ou se décorer l'estomac reste plus courageux et exigeant que de céder à une misérable et pathétique envie de crever.
Bon, vous savez quoi?, le mieux est de s'en foutre royalement.
Parce que survivre n'a aucune valeur lorsque l'on vit dans un pays où tout est là.
Acceptons que
nous ne seront jamais plus grand que nous.
Il y a des bosseurs, des chanceux et des inconscients
mais pas de héros.
Alors
ouais
pourquoi pas
partir en tournée
Traverser les grandes plaines et les Rocheuses
Regarder danser les arbres
les champs
les maisons et les églises.
Laisser filer un grand souvenir de môme.
Observer les trains de marchandises glisser sur la terre et mousser les grands navires
Suivre du regard les avions tracer leurs gigantesques bras d'honneur.
comme un filet de ketchup le long d'une endive.
Ouais
Regarder
suffit parfois "
Little Billy,
6 juin 1959
Extrait du carnet de Zampano :
"J'y étais mais je n'ai pas senti le grand vent de la révolution. Beaucoup de lacrymos et de conneries de part et d'autre. Un grand n'importe quoi monté en graine. Je me suis vite ennuyé. La grande solution n'était pas là non plus."
Quelque part, il y a très longtemps, dans une dimension pas très éloignée de la notre...
Les traces étaient encore fraiches.
Elles grimpaient vers le plateau en s'enfuyant sous le couvert des arbres. Willard replaça ses oreillettes et suivi la piste en musique, son long fusil dans les bras. À ses côtés, Red Kiss Buffalo, s'amusant avec la lumière dans les branches, cheminait le nez en l'air.
- Toi et moi, nous dormirons ce soir du sommeil des vainqueurs.
Willard acquiesca sans entendre. Il connaissait la réplique. Ils se turent ensuite pour de longues heures. Tard, la neige commença à tomber. La nuit éteignait le dos luisant des montagnes et laissait glisser les ombres et le vent dans la patience du soir.
Red Kiss suivait la piste des branches cassées et des herbes pliées. Son instinct lui soufflait le chemin. Mais pas seulement. Il écoutait comme une petite voix, soufflée au plus noir du soir. Puis, soudain, le feu des ravisseurs clignota au fond de la gorge des bois. Willard retira ses oreillettes, enroula le fil, et fourra le tout dans sa poche de pantalon. Les deux hommes, tranquillement, se préparèrent au combat.
Tomahawks et revolvers aux ceintures, fusils dans les mains, ils gagnèrent les abords de la clairière. Cachés dans les buissons sous le silence du feu, ils attendirent l'instant idéal.
Les quatres frères obèses aux barbes d'ogres étaient assis autour du brasier. Le plus massif des quatre rongeait un bras cuit et luisant de gras, tranché au niveau de l'épaule.
Les trois autres, abrutis d'alcool, dodelinaient de la tête. Les restes d'un corps se consumaient dans les braises. Et Willard aperçu l'enfant.
Il chuchota
- C'est bien lui...
Couché près des chevaux. Le petit garçon observait calmement ses ravisseurs. Nulle trace de peur dans le regard. L'indien acquiesca. Il porta la main à son coeur puis à sa tête. Willard prit une profonde inspiration.
L'exécution se déroula comme d'habitude.
Le cri de guerre de Red Kiss pétrifia un instant la criminelle assemblée.
Le premier coup de fusil de Willard dispersa le sommet du crâne du cannibale à la bouche pleine. Les trois autres se précipitèrent vers lui. Dans un boum sec le second coup de fusil de Willard en rejeta un dans le feu. Les chevaux hennirent, se cabrant, retenus par leur longe. D'un ample et gracieux mouvement de tomahawk, Red Kiss coupa la route du troisième dans une impressionnante gerbe de sang. Le quatrième bascula par-dessus Willard. Étourdi il chercha à sa relever mais une balle de revolver le cloua au sol Une seconde lui ôta tout un morceau de barbe. Et c'était fini.
Willard rengaina paisiblement son revolver et l'indien scalpa délicatement son mort. C'est ainsi qu'ensemble ils gagnaient leur vie. Avec calme, précision et parfois même une touche d'humour.
- C'est fini mon grand. Tu es avec nous maintenant.
Willard prit l'enfant dans ses bras.
L'indien s'approcha de lui avec un grand sourire.
- Alors comme ça, bonhomme, tu es "un souffleur"?
Le petit garçon au regard clair hocha doucement la tête.
- Il n'y avait pas que les branches cassés, hein? repris Red Kiss, tu m'as guidé, c'est ça?
Le petit garçon hocha de nouveau la tête.
Willard l'installa sur un des chevaux et enroula une couverture autour de ses épaules.
- Ça va aller, mon grand. On va redescendre dans la vallée. Puis on va te trouver quelqu'un de bien. Quelqu'un qui s'occupera de toi.
L'indien leva le nez vers la voute étoilée au dessus des arbres.
- Et demain sera un bon jour.
L'enfant se tourna vers lui.
Son visage s'éclaira.
- Tu sais, monsieur, moi un jour, je serai roi.
Willard sourit et Red Kiss s'inclina.
- Le Roi Souffleur... Comme il est heureux que nos chemins se soient croisés!
L'enfant bénit les deux hommes et la petite troupe s'éloigna dans la nuit délivrée.
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