LIVE BY NIGHT, Little Godfather
Gangsta opera tiède
Ben Affleck
***
Alors là, vraiment, avant même de me lancer le film je partais, toujours emphatique et bon public, pour crier au chef d'oeuvre.
Seulement voilà, ce n'est pas toujours possible. Même avec la meilleure volonté du monde. Même en commençant par féliciter Ben Affleck pour sa belle et noble ambition: Ressusciter la catégorie "fresque" de la grande épopée du gangstérisme. Ce glorieux et frénétique âge d'or de la prohibition (cinématographiquement parlant) où l'on débridait grave de la sulfateuse, en costume et dans de somptueux décor avant de s'enfuir dans de sublimes voitures et finir la nuit dans les bras de divines blondes platines. Difficile de trouver plus poilant dans l'existence.
Je le sentais bien venir celui-là. Après The Town, (brillamment chroniqué par l'illustre Spinaltap) grand polar clanique façon Heat puis Argo, trip ciné ultra-seventies brillamment torché, Ben était fin prêt pour nous faire son Parrain rien qu'à lui. L'affiche du film ne laisse aucun doute sur l'hommage. Costume clair et posture Pacinesque de sir Affleck. Sur la forme il serait cruel de ne pas saluer l'admirable direction artistique de l'ensemble. Dolby Vision, master 4K. Tout est beau. De la photographie absolument divine, du ténor de l'image Robert Richardson (On lui doit les fulgurances de Platoon, Tueurs nés, The Doors, Casino, Kill Bill, Shutter Island et bien d'autres) jusqu'au moindre élément de décor. Là-dessus, rien à redire. Visionné en HD L'orgasme rétinien du Blu-rayphile aura bien lieu.
Si on se détend bien on passe un agréable moment.
Si on a le coeur accroché aux classiques c'est vite sur le fond que ça pêche. Des plus grandes gangsta-épopées Affleck a conservé le folklore mais sans la sueur ni la chair ni ce parfum de ténèbres qui en font des opéras funêbres. Il n'a pas assez musclé ses seconds rôles (détail essentiel dans une fresque) ni les moments charnière du récit.
Lisse, comme le visage impassible de son héros, Live by Night ne prend jamais feu. C'est sympa à regarder du début à la fin avec quelques beaux moments (une belle première demi-heure, une vigoureuse poursuite en bagnole et la présence incandescente de Zoé Saldana), mais l'envol ne dure jamais longtemps. L'envahissante voix-off lourdement redondante et la formation ici et là de quelques pâtés scénaristiques et lourdeurs d'écriture laissent planer un sentiment omniprésent de maladroite déférence envers le genre.
Ben, je te le dit rien qu'à toi, je kiffe grave tes trois premiers films.
Je salue ici l'effort mais je dois avouer que le clin d'oeil au Scarface de De Palma lors du règlement de compte final a un peu de mal à tenir la route. Il y manque toute la folie furieuse de l'original dans cette efficace mais sage chorégraphie. Ici et là, les références au cinéma de Mann et Coppola abondent. Trop de déclarations d'amour et d'hommages étouffent le feu qui aurait transformé cet élégant musée en un vrai Godfather du Sud, bien pimenté et arrosé de rhum. À l'arrivée on se retrouve à picoler un schweppes agrum'. Ce n'est pas mauvais, loin de là. On peu trouver cela rafraichissant et plutôt digeste mais non, vraiment, impossible me concernant, d'être enivré. C'est un peu le problème. Live by Night est trop bien élevé. C'est super sympa d'envoyer de jolies cartes postales mais, chez nous, aux Chroniques, on aurait préféré en prendre plein la gueule et que ce soit un peu crado... on ne se refait pas. (Dans le genre relecture vigoureuse et saignante du genre les Peaky Blinders sont passé par là) Allez, merci quand même pour l'ambition, l'hommage et la balade!
Francisco,
2016
2H10
L'image : visionné en VOD l'excellence du cadre et le faste visuel laisse augurer d'un Blu-ray nirvanesque. Côté photographie on fait ici dans le balèze de chez top.
Director:
Ben AffleckWriters:
Ben Affleck (screenplay), Dennis Lehane (based on the novel by)Stars:
Ben Affleck, Elle Fanning, Brendan Gleeson |