PRESENCE, le poids du silence
Drame (Film de fantôme) Sortie Blu-ray
Steven Soderbergh
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Sur la trame d'une histoire de maison hantée, Soderbergh torpille le genre tout en jouant avec les codes du film de fantôme, en adoptant le point de vue de l’esprit. Cette mise en image en vision subjective n’est pas ici au service d’un slasher, mais ausculte les sources du drame à venir.
La démarche est passionnante : une forme de voyeurisme psychanalytique qui, au final, se révèle être une brillante allégorie de l’incommunicabilité qui fissure ici la cellule familiale.
L’esprit, en lévitant au cœur des conversations, devient le témoin silencieux de conflits larvés et de non-dits explosifs. L’enchaînement des séquences construit le drame. L’immersion du spectateur-acteur, au cœur de plans-séquences, est rompue par des écrans noirs : ellipses parfois brutales, témoignant de cette fragmentation d’une famille en crise. Chacun semble isolé, y compris dans les cadres qui les rassemblent, et l’atmosphère de faillite émotionnelle est générale. L’esprit passe des parents aux enfants comme à travers les décombres d’une structure qui se délite et s’effondre.
Les mouvements de caméra du réalisateur devenu « fantôme » (l’esprit des lieux est bien Soderbergh, qui cadre, gère la photographie et le montage de son film) collent aux personnages, tous incarnés à la perfection malgré une mise en scène les confinant aux rôles de simples figurants.
Un mouvement qui donne l'impression non pas de les accompagner mais de les suivre comme des bêtes traquées. Des êtres en fuite permanente, incapables de faire front commun et de veiller les uns sur les autres. Le surgissement du surnaturel ne fait ainsi qu’accentuer le caractère implacable de ce constat. Le regard du fantôme ne ment pas. Il est même le seul à être véritablement présent, attentif dans cet univers où chacun peine à rejoindre l’autre, malgré la proximité.
L’originalité ici est que la véritable menace ne vient donc pas de la Présence. L’esprit se voudrait même protecteur, mais il sera impuissant à conjurer le drame. Presence dresse un état des lieux de la psyché d’aujourd’hui et de notre incapacité à nous relier véritablement les uns aux autres. Au sein de ce chaos, le loup peut alors entrer dans la bergerie et festoyer.
Presence est bel et bien un drame familial, mais c’est surtout l’œuvre d’un artiste fidèle à sa vision. Il s’agit ici d’une production auto-financée, destinée à l’origine aux plateformes, sans aucune attente de rentabilité et n’obéissant à aucune règle du divertissement.
Préparez-vous davantage à l'effarement qu'au tremblement et régalez-vous de l’intelligence du procédé comme du propos.
Presence est un pur film d’auteur.
Francisco,
2024
1h20
Le Blu-ray Tourné avec un appareil photo (, le support maintient le meilleur niveau de qualité possible mais sans jamais approcher celle d'une production cinématographique d'ampleur (le budget du film est 100 fois inférieur à celui d'un blockbuster du genre) Le résultat, filtré pour apporter un peu de matière au lisse numérique, reste confortable à l'oeil.
