THE FATHER, i'm losing all my leaves
Drame
Florian Zeller
****
J'ai beau râler sur la qualité de ce que les salles et les plates-formes dégueulent ces derniers temps, je me rends compte que c'est plus le nombre de métrages qui plombe. Je crois, qu'au final il y a toujours autant de bons films. Ils faut juste les sauver de la marée qui déferle. Je viens donc de rattraper The Father via sa sortie Blu-ray et j'en suis sorti bien sonné.
Toute les douleurs de la vieillesse lorsque frappe la maladie s'expriment ici, grâce à l'incroyable prestation de Sir Anthony Hopkins. À 84 printemps, le mythique interprète d'Hannibal Lecter et de l'inoubliable majordome des Vestiges du Jour, le protecteur bouleversé d'Elephant Man et le légendaire Burt Munro, s'impose encore comme le patron. Son portrait d'un vieil homme frappé de démence sénile se joue une fois de plus sur les cordes d'un stradivarius. La subtilité de son jeu n'a rien cédé au grand âge. Chapeau bas. L'effroi et la conscience de perdre pied qui le gagne reposent aussi sur l'intelligence de l'auteur et scénariste Florian Zeller qui pour son premier film impose le parti pris courageux de nous immerger dans ses cadrages, décors et montage (travail d'horloger) au plus intime de la conscience fragmentée, bouleversée, de ce vieil homme. Il fallait toute la noblesse et l'élégance d'Hopkins pour délivrer, sans jamais sombrer dans la boursouflure des "rôles à Oscar", ce combat acharné d'un homme décidé à conserver tenue et dignité alors que tous ces repères se troublent et s'effacent.
À la détresse de cet homme s'ajoute celle de sa fille.
Si ce grand film humaniste nous chuchote "n'abandonnons pas nos vieux" il n'oublie pas, dans sa juste distance, d'évoquer la douleur des aidants à travers le regard désemparé de la royale Olivia Colman.
The Father n'étant pas non plus une oeuvre-bisounours, surgit également la notion de maltraitance. Bien que magnifiquement tourné et photographié ce film reste une épreuve. Si le tour de force repose sur l'incroyable direction d'acteur c'est bien le montage et le décor qui, avec une intelligence rare, va parasiter en permanence notre lecture de spectateur et nous abandonner totalement bouleversé. Qu'est-ce qui différencie l'hallucination du réel? Le puzzle interroge autant qu'il magnétise l'attention, la construction du film nous plonge ainsi au coeur de la maladie sur le fil d'émotions intenses et universelles. Au-delà du drame, cinématographiquement parlant, le procédé fascine.
Au final, The Father nous broie le coeur en tenant toujours le pathos à bonne distance, du moins, aussi longtemps que possible. On peut parler d'un coup de génie de la part de notre Florian Zeller national qui, après avoir écrit quelques comédies sympathiques (déjà sur l'âge, la maladie et les derniers "feux") nous impose d'un seul coup ce très grand film. Qu'un scénariste de comédies et auteur de pièces sympas devienne d'un seul coup un grand réalisateur témoigne d'une belle fringale de créateur. À quarante deux ans seulement, sa maturité laisse déjà rêver à la suite. On peut aussi saluer le coup de maître en soulignant une riche collaboration, côté écriture, avec la plume alerte de Christopher Hampton, scénariste des Liaisons Dangereuses (version Frears) du virtuose Reviens-moi de Joe Wright ou de la psychanalytique Dangerous Method de Cronenberg.
Pour le collectionneur, côté étagères, The Father trouve sa place, sans faiblir, à côté du terrassant Amour d'Haneke. Justesse, profondeur et maîtrise cinématographique, ce joyau noir sur "le bout du chemin" devrait continuer à briller aux firmament des classiques incontournables.
Francisco,
2020
1h35
Le Blu-ray : Une précision magistrale qui permet de profiter pleinement de toute l'intelligence du décor.
Directed by
Florian Zeller |
Writing Credits
Christopher Hampton | ... | (screenplay by) and |
Florian Zeller | ... | (screenplay by) |
Florian Zeller...(based on the play "The Father" by) | ||
Cast
Anthony Hopkins, Olivia Colman, Imogen Poots, Olivia Williams ... full cast & crew
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