BRAZIL, ça s'impose

Songe futuriste Parabole Cauchemar visionnaire

Terry Gilliam

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C'est vieux, ouais.
Mais c'est culte.
Et c'est un chef-d'œuvre.

Poétique, sombre, drôle, brillant et... effrayant.
Formellement, c'est le grand plongeon dans un songe baroque mordant sur les terres de l'expressionnisme. Sur le fond, se déroule la plus brillante relecture du 1984 d'Orwell à ce jour. Fontaine de jouvence pour tous les rêveurs. Inépuisable source d'inspiration pour tous les cinéastes avides de liberté ! Brazil forever!!!!

Visuellement, le Blu-ray disponible en France est très proche de l'édition US Criterion. Une image datée mais globalement réjouissante. Du détail, des contours nets et un grain légèrement adouci (nécessaire pour atténuer le douloureux passage en Blu-ray des films au master "granuleux"). Bref : un beau spectacle à l'aspect délibérément argentique et respectueux de la photographie du film. Vous pouvez donc, sans regrets, mettre en bière votre ancien DVD, ou le garder pour jouer avec votre chien. (Bien lancé, ça part hyper loin).

Ainsi proprement conservé, revoyons donc ce fascinant labyrinthe où l'on se perd encore avec délice. Tableau dystopique d'un univers totalement sous contrôle. Histoire d'amour bouleversante. Travail stupéfiant sur les décors au style rétro indémodable. Savoureux caméos de Michael Palin, Bob Hoskins et De Niro.

Et ce final incroyable... 20 minutes de pure dinguerie confinant au sublime au terme d'un inestimable chef-d'œuvre. Une échappée onirique brisant toutes les règles narratives avec, au bout, cet absolu du cinéma : faire décoller les esprits. Je n'avais pas assisté à un "décrochage" aussi merveilleux depuis le dernier acte du phénoménal 2001 de Grand Maître Kubrick. Brazil. Unique. Inclassable.

Le libre et délirant Gilliam reste un explorateur passionnant à suivre, souvent déroutant et rarement décevant, mais il n'a jamais fait mieux que ce miracle de cinéma. Tiens d'ailleurs, tant que j'y pense, Brazil n'est plus aujourd'hui un film d'anticipation. Nous y sommes.

Comme je le suggérais plus ou moins habilement, ce cauchemar où la bureaucratie et l'informatique triomphent du rêve et de l'amour, nous y sommes. Lorsque les bombes terroristes explosent sans interrompre le repas des convives invités, le malaise me prend. Certes, les récents attentats en France ont déclenché une mobilisation rassurante, mais quel attentat dévastateur commis à l'étranger suscite encore l'indignation générale ? Qu'en sera-t-il demain ? "L'horreur ordinaire" fera-t-elle partie de notre quotidien ? L'indifférence et la résignation gouverneront-elles nos esprits ? La dépendance aux réseaux sociaux et leur omnipotence médiatique n'ont-elles pas débouché aujourd'hui sur une exposition absolue de nos univers intimes ?

Sous les plus séduisants atours de la technologie et l'idéal du "tout et tous connectés" nous avons renoncé à notre liberté avec le sourire et dans le confort, Big Brother est désormais installé partout. Les oasis de la rêverie et du vagabondage ont presque disparu de nos horizons. Pire, nous sommes tous consentants. Divertis sous contrôle. Pokémonisés avec le sourire.
Bienvenue en enfer, man.

Voilà pourquoi il faut revoir Brazil. OVNI définitivement visionnaire, à l'égal du Metropolis de Fritz Lang. Miroir à l'humour sombre et désenchanté. Sur le fond donc, plus une ride. La redécouverte de ce chef-d'œuvre kafkaïen s'impose !

À revoir donc, histoire de faire sécession pendant deux heures quinze durant.

Francisco,