JACKIE "I just became a Kennedy"
Portrait impressionniste Drame
Pablo Larrain
*****
- I never wanted fame. I just became a Kennedy.
Jackie est une oeuvre douloureuse qui passe avec la grâce d'un songe.
On tient ici le récit de la totale sublimation d'un drame national par la grâce d'une figure mythique de Mater dolorosa. Le deuil de Jackie Kennedy est celui d'une nation, d'une femme mais d'aussi d'une mère. Veuve d'un président symbole de jeunesse et de renouveau autant que d'un mari aimé malgré ses infidélités. Assumant auprès de lui une rôle de conseillère elle lui voua toute sa vie un amour protecteur et finalement "maternant". Jackie fut également mère de quatre enfants (2 sont morts à la naissance). Les images des petits John Jr et Caroline sur les images des obsèques ont ainsi consacré son statut de mère de tous les américains éplorés. Le scénario a d'ailleurs l'habileté de rappeler que Jackie fut également la première first lady à ouvrir au téléspectateur les portes de la Maison Blanche. Elle en supervisa la restauration et l'aménagement pour faire de ce lieu froid et impersonnel "le doux foyer" d'une nation.
Le tour de force de ce grand film en apesanteur et de ne rien omettre de la violence ni de l'effroi. Les flash-backs de l'assassinat, tétanisants de réalisme, viennent ainsi ponctuer la sidération poétique de l'ensemble.
Tout entier construit autour des jours qui ont suivis le drame, le film, dans sa réalisation, son rythme et sa musique, nous plonge dans cette forme d'hébétude propre à l'état de choc (sublimes compositions de la jeune prodige Mica Levi après sa BO hypnotique d'Under the Skin) .
La composition Kubrickienne des plans, où la figure de Jackie reste souvent au centre de l'image, isole autant le personnage qu'elle en fait le centre de gravitation. Tout s'organise autour d'elle. Paradoxale situation où la "première dame" perd tout mais devient le "metteur en scène" d'obsèques qui resteront gravées dans la mémoire collective et forgeront le mythe Kennedy. Et c'est bien dans cette admirable composition visuelle que l'infinie douleur et l'isolement de Jackie s'expriment. Bien au-delà des cris et des larmes.
Le réalisateur Pablo Larrain (No, Neruda), sur le fil du scénario finement ciselé de Noah Oppenheim (Divergente 3, Le Labyrinthe... éclectisme quand tu nous tiens) offre à son actrice une partition de premier choix. Posture, voix, diction, Natalie Portman est ici totalement tranfigurée et retrouve une hauteur de jeu évoquant sa fascinante incarnation du Black Swan d'Aronofsky. Aussi à l'aise dans le "sur-jeu" inhérent à la fonction lors des séquences d'avant le drame (incroyable reconstitution de la visite télévisée de la Maison Blanche) jusqu'aux tourbillons de tristesse et colère suivant le drame.
Si l'impériale direction d'acteur de l'ensemble du casting favorise l'immersion, le sentiment de réalité est aussi assuré par un savant mélange entre documents d'archives et reconstitution. Non seulement le travail fabuleux sur les décors (cocorico !vive la cité du cinéma!) assurent parfaitement la transition avec les images d'actualité, mais les tableaux du grand directeur photo Stéphane Fontaine (De Rouille et d’Os, Captain Fantastic) rendent presque invisible ces transitions. Et tout cela sans ternir le luxe visuel du métrage.
Le support HD du Blu-ray sera donc indispensable au cinéphile exigeant pour apprécier au mieux toutes les nuances de cet "exploit photographique". Retour brillantissime au super 16 gonflé 35 ! On ressort l'Arriflex ! Les amateurs d'image lisse et au piqué atomique ne seront pas en joie mais les autres vont saluer ce grand retour de pelloche. Le détail est là mais le grain et un voile subtile s'affichent royalement. Cette matière vivante et vibrante. s'affiche en harmonie totale avec les images d'archives. Des extraits intégrés subtilement grâce au montage aérien de Sebastian Sepulveda. De la conjugaison de ces talents se dégage une sensation de réalité venant pimenter le regard de poète du réalisateur Pablo Larrain.
Après un envoûtant et charnel Neruda, le réalisateur chilien a hissé son nouveau biopic à hauteur d'ange. Nous parlons bien ici d'un magnifique objet d'art. Une de ces oeuvres qu'une seule vision ne suffit à épuiser. Une plongée dense et intense au coeur de la psyché d'une icône qui hante l'esprit du spectateur longtemps après la projection.
Jackie est un film qui restera.
Francisco,
Incarner
Chroniques Pablo Larrain
2016
1H40
Le Blu-ray Support HD indispensable pour apprécier au mieux l'exploit photographique. Retour brillantissime au super 16 gonflé 35. Les amateurs d'image lisse et au piqué atomique ne seront pas en joie mais les autres vont saluer ce grand retour de peloche. Du détail mais grain et voile subtile s'affichent royalement. Une matière en harmonie totale avec les images d'archives intégrées subtilement par la grâce du montage. S'en dégage une sensation de réalité qui vient pimenter la sidération poétique de l'ensemble. Voyage dans le temps et immersion garanties grâce cette délicieuse texture d'image proche de ces sixties home-footage bourré de charme (la HD en plus !)