HITCHER, la beauté du diable
Thriller Frisson Fantastique
Robert Harmon
****
Pourquoi cette pépite des années 80 est-elle toujours aussi sympa à revoir?
Parce que nous tenons ici une forme de thriller horrifique qui déborde du genre pour embrasser aussi bien le slasher que le fantastique en flirtant régulièrement avec le pur film d'action, le tout épousant visuellement la forme et le mouvement du road-movie, spectacle originel et coeur battant du cinoche américain.
Ça, c'est ma petite phrase d'intro pour toutes celles et ceux qui auront la flemme de lire la suite. (Comment leur en vouloir?)
Pourquoi n'ais-je jamais oublié cette grandiose séance ciné vécue à 19 ans?
Parce que Hitcher c'est d'abord une prestation inoubliable.
Celle de Rutger Hauer, mythique répliquant de Blade Runner, imposant ici en quelques scènes écrasantes son charisme ravageur. C'est peut-être le rôle le plus emblématique de sa filmographie avec ses prestations en chevalier dans La Chair et le Sang et Ladyhawke, le totem sus-cité et son rôle d'alcoolique repentant dans la funèbre rêverie mélancolique de La Légende du Saint-Buveur.
En une poignée de séquences cultes, scénario et dialogues ciselés, il hante de sa présence massive et magnétique aussi angoissante que fascinante, la totalité du métrage. Qu'il soit à l'écran ou non, sa présence quasi surnaturelle se déploie sur l'ensemble du film, lui offrant sa pleine dimension.
Plus qu'une fuite éperdue pour échapper à un serial killer de la route, nous assistons ici au trajet cauchemardesque d'un jeune conducteur confronté au mal incarné. Autre chouette coup de casting avec dans le rôle de la victime un C. Thomas Howell à peine sorti d'E.T et Outsiders franchement idéal en jeune bleu un peu simplet à déniaiser d'urgence.
Le contraste radical entre les deux personnages principaux nitroglycérine l'intrigue. L'enjeu est aussi basique que tripal. Survivre.
Apparaissant et disparaissant comme par sortilège, le personnage omnipotent du tueur fou semble maîtriser le paysage tout entier. Oubliez ici toute notion de crédibilité au fil de l'intrigue et de ses rebondissements. Le réalisme ici n'est pas le propos. Laissez vous simplement contaminer par les pleins pouvoirs du cinéma dans ce qui est un des meilleurs thriller des années 80.
Parce qu'ici triomphe le savoir faire.
Le réal Robert Harmon signe ici le film de sa vie.
Il faut tout de suite préciser qu'il est secondé par John Seale, chef-opérateur de grand talent qui venait de signer l'année précédente la magnifique photographie du Witness de Peter Weir et qui allait par la suite oeuvrer sur des oeuvres majeures comme Le Cercle des Poètes Disparus, Rain Man, Retour à Cold Mountain ou encore Le Patient Anglais avant de mettre la misère à la concurrence à l'âge de 73 ans en nous offrant un banquet visuel hautement inflammable sur le titanesque Mad Max Fury Road de Miller.
Son sens du découpage et du cadrage font ici merveille.
Hitcher est magnifique à regarder (la restauration est impériale)
Ce film embrasse l'espace comme ont su le faire les plus grands westerns. La poétique de la route de jour comme de nuit fonctionne ici à plein régime, dans sa version macabre, of course. La notion de ligne de fuite s'exprime au sens le plus littéral et dans sa pleine dynamique grâce à l'intelligence de la mise en scène et un tempo de montage d'une grande élégance. Et cette réalisation toujours à bonne distance est sublimée par une musique galvanisante signée d'un certain Mark Isham, compositeur ô combien prolifique qui allait par la suite inscrire son nom sur près de 200 productions (La Bête de Guerre, Le Mystère Von Bülow, Point Break, Et au Milieu Coule une Rivière, Romeo is Bleeding, Collision et j'en passe...). Hitcher nous offre donc un joli bouquet de talents. Ou du moins, l'art de savoir les rassembler et les combiner. Ce qui nous ramène à Robert Harmon.
Ce mec débarque ici avec un premier long-métrage effarant de maîtrise. Et puis plus rien... De grandiose, je veux dire. Il poursuivra sa carrière entre téloche et panouilles direct-to-video.
Quel tristesse d'avoir abandonné aux oubliettes de l'histoire du cinéma un talent pareil. Il a suffit à ce type de refuser par la suite la mise en scène de deux futurs blockbusters (L'Arme Fatale et Liaison Fatale) pour aller cachetonner toute sa vie du côté des séries et téléfilms. Ici, entre ses mains, ce qui était un scénario carrément gore d'Eric Reid (Aux Frontières de l'Aube, Blue Steel) destiné à accoucher d'une série B balourde et bien crado est devenu cette mythologique course-poursuite horrifique sous emprise du malin. Véritable parcours initiatique d'un post-ado devenant un homme par expérience de la peur, de la violence et de la mort. Le tueur incarnant ici pour le conducteur autant le mentor que l'ennemi absolu. Le film distille ici savamment ses moments de face à face comme de violence hors-champ pour contaminer avec une intelligence rare l'esprit du spectateur.
Nul besoin d'enchaîner les scènes d'action pour créer la tension. L'idée est implantée en nous dès l'ouverture. La menace est omniprésente et peut surgir à n'importe quel moment. C'est l'empreinte d'un grand que de savoir ainsi nous placer en immersion. L'art de nous prendre par la main et de ne plus nous lâcher. Il suffit que, dans la pâle lumière de l'aube, Rutger Hauer se dresse de toute sa stature dans un élégant travelling au raz du bitume pour que s'ouvrent toutes grandes les portes de l'enfer.
On a comparé très justement ce film au Duel de Spielberg. Hitcher en a clairement l'étoffe. C'est aujourd'hui un "film culte" dont les fans comme moi ont longtemps attendu cette version Blu-ray de toute beauté.
Même si "la menace non identifée et invincible traquant sa proie sans relâche" a ici un visage, le mystère reste entier sur la provenance du malfaisant. Qui est-il, d'où vient-t'il? Il est là, c'est tout. Un ogre surgit de nulle part, vomit de la nuit au coeur du désert californien. Un monstre froid, quasi-invincible, s'amusant avec sa victime jusqu'à lui donner les armes pour le transformer en digne rival.
Hitcher est une digne leçon de ténèbres emballée en 1h35. Pas de gras. Le final au crépuscule laisse planer la délicieuse ambiguïté de l'épreuve criminelle. Où comment l'agneau se fait loup. Dans ce monde dangereux, on ne survit qu'en épousant aussi bien l'ombre que la lumière.
Francisco,
Trailer d'époque
Avis des lecteurs
Chris
"... film devenu culte que j'avais découvert grâce à Starfix. Je l'ai vu en salle à sa sortie dans une salle pleine ( fête du cinéma ). L'atmosphère, la tension, la mise en scène, un Rutger Hauer habité et glaçant font de ce film au petit budget un classique aujourd'hui."
Spinaltap
"... chef-d’œuvre dont j’avais bravé l’interdiction aux - de 13 ans pour me le prendre en pleine face dans les salles obscures à sa sortie. J’en avais même acheté en cd la superbe bande-son ambient de Mark Isham. Et n’oublions pas la toute jeune et innocente Jennifer Jason Leigh dans un de ses premiers rôles."
1986
1h35
Le Blu-ray : Couleurs, contrastes et détails ressuscités. Patine argentique respectée. Que c'est beau !
Directed by
Robert Harmon | ... | (directed by) |
Writing Credits
Eric Red | ... | (written by) |
Cast (in credits order) verified as complete
Rutger Hauer | ... | John Ryder | |
C. Thomas Howell | ... | Jim Halsey | |
Jennifer Jason Leigh | ... | Nash |