LICORICE PIZZA, all we need is love
Feel-good Love-story Coup de coeur 2021
Paul Thomas Anderson
*****
San Fernando Valley. 1973.
Un ado particulièrement débrouillard et sûr de lui rencontre une jeune fille au tempérament de feu. Coup de foudre, ils vont se tourner autour deux heures dix durant mais attention, pas de panique (j'en vois qui baillent déjà) ils vont le faire sur les ailes d'une écriture aérienne et d'une réalisation miraculeuse en prenant bien soin de vous nettoyer le regard et de vous immerger dans un bain de soleil et de fraicheur qui fera la nique bien comme il faut à tous les clichés du genre mais aussi à l'hiver, au Covid et aux lénifiants discours incitant au respect des gestes barrières (dès fois que deux ans après certains n'auraient pas encore bien saisi) Hé ouais, bonne nouvelle, Licorice Pizza est un film que vous pouvez embrasser sans crainte.
Paul Thomas Anderson, un des quatre ou cinq plus grands réal en exercice, nous délivre son nouveau joyau. Encore une pièce unique et vibrante, entre teenage love story et carnet intime, le tout sur une BO de dingue. Allez, comme vous êtes sympa de rester à lire cette chroniquette livrée à chaud, j'en cite quelques uns juste pour le plaisir : Nina Simone, Bowie, Taj Mahal, Gordon Lightfoot, Donovan, The Doors, McCartney, James Gang, Sonny and Cher ou encore Clarence Carter déroulant son sublime et nostalgique "Slip Away"
Plus qu'une reconstitution, Anderson ressuscite les frénétiques et explosives "seventies" avec le même génie, la même oreille, la même patine et autant d'âme que dans le jouissif Once Upon a Time in Hollywood de Tarantino. Considérant que nous vivons, selon mon humble avis qui ne regarde vraiment que moi, une époque culturellement lisse, atone et humainement à chier, autant vous dire que mon âme de chroniqueur ayant grandi dans ces savoureuses années s'est abreuvé jusqu'à l'ivresse à cette fontaine de jouvence. Il y a, comme ça, des séances ciné qui savent vous remettre dans le bon groove et vous offre un retour à la maison avec le sourire.
Parlons forme.
Marque des géants, la réalisation, travellings soyeux, gros plans éclaboussés de lumière, est à la fois virtuose et invisible dans ses enchaînements. La maîtrise est absolue. Soulignons qu'Anderson est également directeur photo de son propre film (comme il le fut sur Phantom Thread) , en collaboration avec Michael Bauman. Visuellement la balade enchante tout du long. Une grâce à l'image de l'écriture.
Ouais, parlons scénar.
Le récit avance d'une manière totalement "hippie", c'est à dire sans entraves et tout en ellipses. Pure électricité. Un flux, une succession de moments forts et d'instants suspendus. Un rythme directement raccordé à celui de la vie et branché au courant du souvenir. Les situations surgissent, dans une temporalité toute subjective, et nous abandonnent à ce sentiment si rare aujourd'hui, celui de la surprise. Rien de prévisible ou de téléphoné. Nous sommes aux antipodes du petit scénario scolaire bien appliqué avec rien qui dépasse. Paul Thomas Anderson est roi en son univers et nous régale de sa précieuse liberté. La première heure est solaire et enthousiasmante, la seconde ajoute l'ombre et le goût de la navigation hors piste. Le voyage est ainsi complet.
Le scénariste-réalisateur a donc puisé dans ses souvenirs comme dans ceux de son ami producteur Gary Goetzman, qui lui raconta longuement son passé d'enfant acteur et comment il développa son propre business de matelas à eau, pour nous servir ce film d'une tendresse absolue. Sa construction même évoque ce songe de cinéma fonctionnant par échos. Licorice Pizza est le plus "doux" de sa filmographie hantée de personnages évoluant du côté obscur. Galerie marquante de personnages névrosés, torturés, traumatisés, obsessionnels illuminant Boogie Nights, Magnolia, There Will Be Blood ou The Master jusqu'à Phantom Thread.
Nous retrouvons davantage dans cet opus cette légèreté magique d'Inhérent Vice avec ces délicates touches de surréalisme poétique qui habitaient son ovniesque Punch Drunk Love. Mais on ne se refait pas et, malgré tout, la gravité est là, le temps d'un regard ou dans l'éthylisme d'un vieil acteur se noyant au milieu des fantômes d'une carrière finissante (Mémorable apparition de Sean Penn) La folie aussi avec le séducteur en total burn-out interprété par un Bradley Cooper définitivement perdu pour la science.
Disons-le, les adultes ne sont ni glorieux ni à la fête dans cet univers mais l'énergie de la jeunesse balaye tout ce qui aurait pu faire tourner à l'aigre la nostalgie. Anderson a joué la découverte, la fraicheur et le charme.
Son duo d'acteurs principaux est formidable. Cooper Hoffman, fiston du regretté Philippe Seymour (membre de la famille Anderson de Boogie Nights à The Master) impose du haut de ses 16 ans un charme et un charisme fous. Charme toujours, Alana Haim, bassiste et désormais actrice dont Anderson a filmé la plupart de ses clips composés avec ses frangines (la famille du groupe "Haim", frangines et parents est également présente dans le film) fout le feu à chacun de ses plans.
Cette fille se détache avec grâce et élégance des canons de beauté traditionnels et son naturel désarme. L'alchimie de ces deux visages cinématographiquement vierges participe de l'envoûtement qui s'empare du spectateur amoureux de cette époque bénie où il fallait foutre le nez dehors pour rencontrer quelqu'un.
Cooper Hoffman et Alana Haim. Ma mémoire cinéphile n'est pas prête d'oublier ces deux-là. Ils peuvent aisément décrocher le titre de couple de l'année ciné.
D'ailleurs à ce propos, le seul truc un peu contrariant avec Licorice Pizza c'est de se dire que le meilleur film de 2022 est sorti au mois de janvier.
Courez-y !
Francisco,
Références
Doc
Vintage
Chroniques P. T. Anderson
2021
2h10
Le Blu-ray Impérial ! Un luxe de matières filmiques. Respect de la délicieuse patine argentique d'un tournage en 35mm (Kodak) Gestion du grain subtile (presque invisible), y compris en basse lumière. Haut niveau de détail. Couleurs et contrastes à la fête. Que du bonheur. Alors... bon appétit !
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