LOVE LIES BLEEDING, la première impression
Hors-piste Polar
Rose Glass
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Dès la bande-annonce j'avais envie d'y aller en courant.
L'atmosphère, la photographie, le casting, la musique... Tout creusait mon appétit de cinévore. Avec, toujours, ce côté "hors-piste" que j'aime tant, si précieux quand on prend de l'âge et qu'on se cogne de plus en plus de trucs transparents. Ce plaisir incomparable de débarquer en territoire inconnu. Et franchement, trois quart-d'heure durant j'étais dedans et ravi.
Visuellement l'intelligence de mise en scène de Rose Glass fait merveille. Le spectacle est, esthétiquement, renversant jusqu'au bout. Le trio de tête du casting délivre trouble, charme et charisme avec en figure masculine oppressive et délicieusement tordue un Ed Harris au cheveux longs sur les côtés qui régale, jouant habilement les funambules en équilibre fragile au dessus du ridicule et de l'effroi.
L'alchimie entre la fiévreuse Kristen Stewart et la musculeuse Katy O'Brian délivre toute la poésie nécéssaire à cette histoire d'amour-passion sur fond de polar crépusculaire dans cette Amérique de la fin des années 80. Bref, tout est bien en place et je décolle immédiatement.
Suis-je ensuite passé à côté?
Probablement. Mais voici ce que j'éprouve soudain à la moitié du film :
Tout ce qui était jusque là subtil et profond se boursouffle. Tout ce que l'on devinait se surexpose. La BO appuie lourdement. Du régal formel le film bascule dans le maniérisme et balance flashs et échappées oniriques clipesques. N'est pas David Lynch qui veut. Il faut une folie sincère et enracinée pour convaincre et conserver une forme de cohérence de style dans l'art délicat du "hors-piste". Ici l'exercice relève plus pour moi d'une posture artistique que d'un engagement corps et âme du créateur à sa fiction.
Je reconnais que ces sensations sont totalement subjectives et que d'autres spectateurs s'abandonneront aisément à ce film généreux et clairement ambitieux sans ressentir d'artificialité dans cette belle mécanique.
Pour moi, hélas, cette inconfortable impression m'a progressivement placé à distance de tout ce que je voyais, jusqu'à ce final basculant volontairement dans le fantastique et le grotesque qui m' a laissé assez perplexe. Même si le regard que pose Rose Glass sur le "rêve américain" et ses déviances cauchemardesques sont volontairement outrées, j'ai regretté le climat envoûtant de "réalisme poétique cradingue" de la première partie du film.
Mais voilà, malgré tout, je tenais à pondre une chronique parce que depuis ma séance d'hier, les images de ce film restent gravées. Certaines séquences me reviennent en mémoire de manière entêtante.
Je sais donc que ce film n'est pas anecdotique et que je le reverrai.
Aussi, je me dois de vous encourager à voir Love Lies Bleeding.
Ce film a tout de même l'immense mérite de jouer et détourner les codes et les thèmes-racines du cinéma américain, du drame au polar en passant par le western.
La figure de l'étranger par qui tout arrive, venu de nulle part, est incarné ici par une belle culturiste au sens de la justice assez radical.
La notion de famille est plus proche ici de celle des monstres de Massacre à la tronçonneuse que de celle des Raisins de la Colère et l'aspiration à la réussite conduit plus aux néons de Vegas qu'à l'établissement d'une utopie.
Rose Glass est clairement une réalisatrice à suivre.
Je n'ai pas vu son premier film, Saint Maud, mais celui-ci est, au-delà de ses quelques effets lourdantes et de son message anti-patriarcal déroulé à la pelleteuse, riche de promesses.
Il se dégage de ce manifeste une forme d'humour macabre moins réjouissant et plus inconfortable que celui des frères Coen. Me vient aussitôt cette question : serait-ce cet inconfort que j'aurais alors pris pour de la maladresse qui expliquerait mon expulsion à mi-parcours de cet ovni visuellement somptueux?
Encore une fois, le temps sera seul juge.
Si, dans quelques années, ce métrage au féminisme développé à la fonte mais solidement arrimé façon Thelma et Louise devient culte (il en a parfois le parfum) alors je pourrais constater combien je me suis planté.
À revoir, donc (dès la mi-novembre) pour une bonne home-séance ciné en Blu-ray top démo. Si rien ne vient corriger cette chronique c'est que la première impression est parfois la bonne.
Francisco ,
2024
1h45
Sortie Blu-ray 15 novembre 2024
Directed by
Rose Glass |
Writing Credits
Rose Glass | ... | (written by) & |
Weronika Tofilska | ... | (written by) |
Cast (in credits order) verified as complete
Anna Baryshnikov | ... | Daisy | |
Kristen Stewart | ... | Lou | |
Dave Franco | ... | JJ | |
Katy O'Brian | ... | Jackie | |
Jena Malone | ... | Beth | |
Eldon Jones | ... | Billy | |
Ed Harris | ... | Lou Sr. |