RUSTY JAMES, Mickey l'ange
Drame Hors-piste Poème
Francis Ford Coppola
*****
Après la sortie et le mauvais trip de Megalopolis, que je n’ai pas réussi à digérer, j’ai ressenti le besoin de ressortir quelques "bons vieux" Coppola de ma Blu-raythèque.
Non loin du Parrain et d'Apocalypse Now, j’ai pioché et me suis repassé la galette (hautement perfectible, hélas) de Rusty James. Ovni du film de bande, dark-teen-movie, objet conceptuel à haute valeur poétique, tourné dans un noir et blanc des premiers temps du cinéma.
À peine sorti du tournage de sa première variation autour du teen movie, façon La Fureur de Vivre, avec The Outsiders, mélo ado au classicisme somptueux, Coppola lâche ici les chiens et poursuit son exploration des tourments de la jeunesse d’une manière beaucoup plus expérimentale sur la forme, mais non moins bouleversante. Il signe alors deux coups de maître, coup sur coup, avec toujours Susan Eloise Hinton côté plume, déjà autrice du roman The Outsiders.
J’avais 16 ans quand je suis sorti totalement transcendé de la projection. Accompagné de deux ou trois potes cinéphiles avec qui nous enchaînions les marathons VHS chaque week-end, je venais de recevoir une grande leçon de mise en scène.
Cadrages et éclairages aux frontières de l’expressionnisme, time-lapses embrassant d’un même mouvement la course des nuages et la fuite du temps, une BO électrisante de Stewart Copeland sublimant l’extraordinaire travail photographique de Stephen H. Burum (chef-opérateur ayant travaillé sur les plus grands De Palma), et puis, bien sûr, l’apparition d’une comète. Un acteur qui nous offrait, dès son entrée à l’écran, une inoubliable et virtuose définition de l’intensité et du charisme.
Nous étions venus pour Matt Dillon et, en sortant, nous ne parlions que de Mickey Rourke. Gueule d'ange, muscle saillant mais voice douce, il dévore l'écran. Sublime et mélancolique figure d’archange blessé, le Motorcycle Boy incarne l’idole déchue et désabusée d’un temps révolu, où les bandes faisaient la loi dans les quartiers. Personnage totalement magnétique, revenu d’un périple en Californie sur les traces d’une mère disparue, il traîne son spleen auprès de son jeune frère, incarné par un Dillon profondément touchant en jeune zonard en quête de reconnaissance.
C’est peut-être le rôle le plus iconique de Mickey Rourke, qui sera aussitôt propulsé au rang de star et rayonnera dans les années 80 avec L'Année du Dragon, Angel Heart, 9 Semaines 1/2 et Barfly, avant de s’engager dans un long parcours d’autodestruction, enchaînant les séries B puis Z et se défigurant d’abord sur les rings de boxe, puis à coups d’opérations de chirurgie esthétique désastreuses. Sa gueule cabossée lui vaut un bref retour en grâce au début des années 2000 dans Sin City, The Wrestler et Les Immortels du visionnaire, quoique mésestimé, Tarsem Singh. Même abîmé, son talent et sa présence à l’écran écrasaient encore la concurrence. Puis, le néant : retour aux ténèbres avec trois ou quatre navets annuels, totalement irregardables.
Revoir Rusty James aujourd’hui et redécouvrir un Mickey Rourke impérial ajoute à la dimension tragique de ce douloureux récit d’apprentissage. Les failles de son personnage semblent si apparentes et puissamment incarnées qu’elles préfigurent, à mon sens, le long chemin de croix d’une carrière qui l’a hissé au sommet avant de l’abandonner à la nuit. Une tragique autodestruction qui me laisse toujours espérer un énième come-back et une fin de vie paisible pour cet acteur que je considérerai toujours comme l’un des plus magnétiques du cinéma américain.
Autour de ce magnifique duo gravitent un jeune Nicolas Cage, Chris Penn, Vincent Spano et la magnifique et espiègle Diane Lane. Côté vétéran, Dennis Hopper, bien imbibé, démontre ici son don pour l’improvisation dans plusieurs scènes vibrantes d’authenticité. On savoure également les apparitions, en observateurs-narrateurs, d’un jeune et fringant Laurence Fishburne et du fidèle Tom Waits. Ce dernier, après Coup de Cœur et Outsiders, fera aussi un tour dans Cotton Club et Dracula, avant de prêter sa voix dans Twixt.
Portés par ces vraies « gueules » de cinoche, les grands moments de jeu s’enchaînent sans faiblir, et les nuits de dérives, de fêtes et de bastons n’ont jamais été aussi belles. Ce parcours du jeune frère adulant l’aîné, Coppola le revisitera 25 ans plus tard avec Tetro. Œuvre passionnante, à l’ouverture et à la dernière demi-heure sublimes, mais, selon moi, moins enlevée et maîtrisée dans son ensemble que son « grand frère », Rusty James.
La nouvelle génération de cinévores trouvera sans doute le film un peu daté, l’évolution constante de la technologie de l’image et du son ayant forcément fait vieillir l’œuvre. Mais toute personne sensible se régalera de l’atmosphère sombre et envoûtante de cette heure et demie de grand cinéma, avec des partis-pris visuels encore d’une folle modernité.
Une odyssée urbaine, souvent nocturne, multipliant les clins d’œil aussi bien aux chorégraphies bagarreuses de West Side Story qu’aux jeux d’ombres du Cabinet du Docteur Caligari, ainsi qu’au cinéma de Fellini et aux rues enfiévrées de La Dolce Vita.
Pour les nostalgiques comme moi, c’est un chef-d’œuvre rock ; pour celles et ceux qui le découvrent aujourd’hui, j’espère, un grand film.
Francisco,
Fan trailer
Avis aux éditeurs
À quand une édition France tirée d'un master aussi soigné que celle de l'édition Criterion 2017 hélas zonée A ?
Avis des lecteurs
Lili44
"Un must... C’est un film à redécouvrir d’urgence parce qu’on n’en fait plus des comme ça. Le noir et blanc est magnifique et Mickey Rourke « est un prince "
Chris
"Pour ma part, un chef d'oeuvre. Vu à sa sortie et revu depuis dont la version restaurée."
Chroniques Coppola
(Rumble Fish)
1983
1h35
Le Blu-ray Nous sommes donc très loin du dernier master Criterion sorti en avril 2017. Sur cette édition Wildside le dégrainage lisse parfois les détails comme les visages pour cet aspect cireux qui fait hurler tous les amoureux de la texture argentique. Face à un aussi beau noir et blanc on se prend à rêver d'un nouveau transfert s'appuyant sur le Criterion qui en gérant beaucoup plus subtilement le grain comme les contrastes rapportera matière, volume et détails.
Directed by
Francis Ford Coppola |
Writing Credits
S.E. Hinton | ... | (novel) |
S.E. Hinton | ... | (screenplay) & |
Francis Ford Coppola | ... | (screenplay) |
Cast (in credits order) verified as complete
Matt Dillon | ... | Rusty James | |
Mickey Rourke | ... | The Motorcycle Boy | |
Diane Lane | ... | Patty | |
Dennis Hopper | ... | Father | |
Diana Scarwid | ... | Cassandra | |
Vincent Spano | ... | Steve | |
Nicolas Cage | ... | Smokey | |
Chris Penn | ... | B.J. Jackson (as Christopher Penn) | |
Laurence Fishburne | ... | Midget (as Larry Fishburne) |
A découvrir aussi
- MUD, aux sources du cinéma américain
- DEUX JOURS, UNE NUIT, dring ! dring !
- NIGHTMARE ALLEY, joyau noir