FURIOSA, the stars be with you
Peplum Post-apo
George Miller
****
Chronique d'une deuxième séance salutaire tant la lisse patine numérique de la première vision en salle m'avait empêché d'y rentrer.
Furiosa est donc à redécouvrir d'urgence en Streaming ou en blu-ray/DVD parce que c'est vachement bien, que ça deviendra peut-être même culte et qu'une vraie seconde vie hors salles pourrait bien relancer et sauver la saga.
Replonger dans la saga Mad Max, mais sans Mad Max.
(hormis une apparition clin d'œil à 1h51)
C’était forcément un pari risqué. Un pari osé.
Mais c’est ce qui définit la filmographie du maître Miller. Lorsque des hordes de fans s’attendent à retrouver un personnage mythique, l’icône des guerriers de la route, le prince noir du fantastique post-apo, il est difficile, moi le premier, de se résoudre à son absence.
Et pourtant, on l’a aimée, Charlize Theron, en Furiosa, dans l’écrasant et opératique Fury Road. Elle s’offrait même le luxe de voler la vedette à Tom Hardy, pourtant solide remplaçant de l’indéboulonnable Mel Gibson.
L’idée de lui offrir son prequel n’avait donc rien d’aberrant. D'autant que le script était bouclé depuis les origines du reboot de la saga. Avant même la mise en chantier de Fury Road.
Seulement voilà, dès qu’on touche aux fondamentaux, les choses se compliquent. Souvenons-nous de Mad Max 3 et de sa cohorte d’enfants particulièrement agaçants, et de sa poursuite finale infiniment plus « bisounours » que celle du westernien et atomique Road Warrior. Nous sommes peu nombreux à nous être réjouis de ce virage façon « We Are the World ». Oui, Mad Max se doit d’être rugueux et violent. Et le second volet, dans son efficace radicalité, est bien la matrice du miraculeux et rageur Fury Road.
Et pourtant, grâce à Furiosa, les poursuites sont bel et bien au rendez-vous, toujours virtuoses. Il n’y a pas d’erreur sur la marchandise. Mais Fury Road, franchement, on en aurait bien repris une tranche...
Nous, oui, mais pas Miller.
Ce génie du septième art, ce conteur hors pair, n’est pas du genre à faire tourner la photocopieuse. Il a donc souhaité étendre son univers, apporter une nouvelle dimension à la création qui a fait son succès. Pourquoi ne pas envisager la permanence du mythe à l’échelle d’une saga comme celle de Star Wars ? D’ailleurs, les deux ont en commun d’avoir vu le jour à la fin des années 70. La réplique de la mère de Furiosa, « The Stars be with you », lancée dès le premier chapitre du film, s’apparente clairement à un clin d’œil direct au « May the Force be with you » de l’œuvre de George Lucas.
Comme je l’écris souvent, il faut toujours saluer l’ambition. Et ici, ce nouveau chapitre affirme encore plus son envergure et ses références bibliques, déjà présentes dans l’exode plein de bruit et de fureur de Fury Road. Étoffe messianique déviante de l’héroïne, récit prenant place au jardin d’Éden et aspiration à « l’exode », au retour à une terre d’abondance, à une terre promise. Miller concocte ses potions magiques en brassant du mythe.
Il n’y a pas de trahison.
Miller est d’ailleurs retourné planter ses caméras là où tout a commencé : dans le désert australien. Ce parcours à travers la barbarie, ponctué de visions de tribus sillonnant The Wasteland, est solidement ancré dans le chaudron mad-maxien. On y retrouve le personnage mutique, tout entier façonné par son désir de vengeance, avec toujours ce trauma originel. Ici, une crucifixion aux accents expressionnistes fixe la dimension sacrificielle de la mort de la mère. Cet instant, suffisamment marquant, fournit au récit le carburant nécessaire de la rage qui gronde sous les silences de Furiosa. Et même si elle n’a pas le charisme ni la présence de Charlize Theron dans l'incarnation ce rôle emblématique, la jeune Anya Taylor-Joy assure la relève par la seule force de son regard.
À ses côtés, incarné par Tom Burke, la figure de Pretorian Jack, prince du volant pour le dictateur Immortan Joe, devient l’écho viril qui ranime même le souvenir de Max, incarné par Gibson. Un personnage secondaire mais essentiel. Il est celui qui assurera la « formation » de Furiosa et la laissera seule endosser le costume de l’héroïne, du dernier espoir, assumant sa fonction de libératrice. Amputée, son seul bras est bien celui, armé, de la vengeance.
Face à elle, l’Australien Chris Hemsworth semble prendre un immense plaisir à camper Dementus, dont les costumes, comme le char tiré par des motos, imposent d’emblée la référence à l’univers du péplum.
Un sadique chef de meute à nounours, peinant à maîtriser une joyeuse bande de dégénérés au milieu de laquelle Furiosa, l’enfant-esclave, développera toute la puissance de sa résilience. Devenant, par le rapt de l’héroïne, une figure paternelle monstrueuse pour Furiosa, Dementus offre aussi à ce métrage inspiré des allures de conte féministe. L’ogre est bien ce dingue sanguinaire, tout comme le deviendra également Immortan Joe en l’enfermant dans sa « citadelle ».
Comme rien n’est jamais schématique chez Miller, entre deux exécutions, Dementus est parfois traversé par d’authentiques mais éphémères bouffées d’humanité. Elle n’a pas complètement disparu. Mais, contrairement à Furiosa ou Max, le massacre de sa famille ne l’a pas projeté dans un parcours de héros, mais de tyran.
Si le personnage d’Immortan Joe perd considérablement en aura par rapport à Fury Road (son interprète étant décédé entretemps), le Dementus défendu par Hemsworth n’aura, lui, pas de mal à laisser son empreinte dans la saga.
Alors voilà.
Passée l’impression désagréable d’une première vision en salle, entachée par la patine délibérément numérique de l’ensemble, j’ai donc revu Furiosa soigneusement exposée sur un transfert Blu-ray de démonstration. J’ai enfin pu saisir l’envergure de la bête.
En dépit de son rythme forcément plus posé, compte tenu de l’importance du récit, et de la richesse narrative, il manque peut-être à Furiosa une partition musicale de Junkie XL plus inspirée pour que cette véritable odyssée rejoigne le Valhalla. On est loin de la puissance tellurique déchaînée par le fracas musical de Fury Road.
Peut-être que sur ce point Miller aurait pu aller jusqu’au bout du virage narratif et commander pour l'illustrer une symphonie hantée à un Alexandre Desplat ou un Hans Zimmer, histoire de nous faire vivre des sensations neuves et d’éviter l’impression d’un refrain rejoué sans entrain.
Pour le reste, je me suis régalé de la mise en scène prodigieuse où, même au cœur de l’action la plus débridée, Miller s’offre le luxe de la prise longue, qui donne à Furiosa une élégance hors norme et place notamment sa titanesque course-poursuite de quinze minutes au panthéon des plus grandes scènes du genre.
Face à tant de virtuosité il est regrettable d'imaginer que l'échec non pas critique mais au box-office ait (peut-être) condamné la perspective de voir le cinéaste nous offrir un dernier tour de piste avec son projet The Wasteland qui verrait revenir Max au premier plan. Croisons les doigts pour qu'un succès en streaming ou supports physiques drape Furiosa du statut de film culte et redonne un peu de courage et de panache aux producteurs pour offrir à Miller la conclusion rêvée à ses évangiles guerrières d'après l'apocalypse.
Quant au côté plus « artificiel » de l’image, ramené aux dimensions de mon écran il ne m’a donc plus dérangé et je l'ai même trouvé plutôt pertinent à l’aune de cette relecture sous l’angle du conte et du péplum. Mais j'attendrai tout de même avec hâte la sortie de la version Black & Chrome (disponible uniquement en 4k pour l'instant) qui devrait glorifier la dimension expressionniste du langage visuel développé ici et contribuer à délivrer la pleine puissance du film.
Et puis les CGI, parfois outranciers, seront peut-être le carton-pâte de demain. Cette matière kitsch qui fait tout le charme de nos revoyures de Ben-Hur ou des Dix Commandements.
Il faut garder en tête qu’entre Fury Road et ce nouvel opus, Miller nous a offert son réjouissant Trois Mille Ans à t’attendre, fabuleux récit-somme de toutes les mythologies qui hantent l’œuvre de cet immense cinéaste. Alors, faites comme moi : n’attendez plus, sur le bord de la Fury Road, le passage du même convoi sauvage. Changez de direction. N'attendez pas que le féroce rugissement des moteurs mais laissez George Miller vous conter la grandiose et douloureuse histoire de Furiosa.
Furiosa, péplum post-apo.
Furiosa, conte cruel.
- Lady and gentlemens, Start your engines !
Francisco,
Les grands moyens
Matrice ( Dossier Mad-Max - trilogie originelle )
Fury chronique
There is hope !
Il convient de saluer, en 2024, dans le sillage d'Oppenheimer l'année précédente, un retour de blockbusters ambitieux, "intelligents", délivrés de cette insultante paresse scénaristique qui accouche de monstruosités obèses et braillardes.
Aux côtés de Furiosa ont jailli le grandiose Dune 2, Un Nouveau Royaume de la Planète des Singes épique à souhait et un Civil War hypnotique. Le succès n'est pas toujours au rendez-vous mais le terreau reste donc fertile.
Et ça reste une bonne nouvelle.
2024
2h20
Le Blu-ray Une précision et un niveau de détail à se décoller la rétine. Un top démo qui, me concernant, m'a permis de bien mieux digérer l'aspect clairement numérique de l'ensemble. Un Kitsch dans l'image qui sied bien au genre "Péplum Post-apo".
Directed by
George Miller |
Writing Credits
George Miller | ... | (written by) & |
Nick Lathouris | ... | (written by) |
Cast (in credits order) complete, awaiting verification
Anya Taylor-Joy | ... | Furiosa | |
Chris Hemsworth | ... | Dementus | |
Tom Burke | ... | Praetorian Jack | |
Alyla Browne | ... | Young Furiosa | |
George Shevtsov | ... | The History Man | |
Lachy Hulme | ... | Immortan Joe / Rizzdale Pell |
A découvrir aussi
- GRAVITY, expérience
- BLADE RUNNER, les cinévores rêvent-ils de licornes en papier?
- PREMIER CONTACT, langue maternelle