NOMADLAND, i'll see you down the road
Drame Road-movie Coup de coeur 2020 Chloé Zhao
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Écrit, réalisé et monté par Chloé Zhao...
Le générique de fin apparait et je crève d'envie d'applaudir.
Merci de m'avoir offert une "pure" séance de cinéma. Merci à cette fée du cinéma indépendant américain. Cette jeune cinéaste de 39 ans incarne à elle seule, et depuis trois longs métrages, ce qui est arrivé de mieux au genre ces dernières années. Du courage, une inspiration puisée sur le terrain, au plus proche des gens et sans posture auteurisante. Juste le coeur, une démarche profondément humaniste et l'art d'assembler ses images en un flux poétique d'une vibrante intelligence.
Ce cinéma qui prend soin de votre âme vous est servie dans l'écrin d'une photographie à tomber signée Joshua James Richards, fidèle au poste depuis le premier film de la réalisatrice, emballée souvent aux heures magiques de l'aube et du soir. Le montage, aérien, confère à l'ensemble de ces plans, où triomphent la lumière et les grands espaces, un rythme hypnotique. On parle bien de cinéma. Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises et The Rider cette cinéaste sensible signe son chef-d'oeuvre et boucle une trilogie des oubliés de l'Amérique d'une cohérence admirable. Difficile d'imaginer qu'elle ait ensuite tenté l'expérience Marvelienne des Éternels alors que son cinéma me console justement de la junk-food cinématographique gavée de CGI aux scénarios trépanés qui inondent le marché.
Dans les pas d'une immense Frances McDormand (Fargo, Three Billboards, Olive Kitteridge) nous collons aux basques du personnage de Fern, veuve et courageuse "houseless" victime de la récession, embarquée dans un labor-road-trip du Nevada aux Badlands en passant par le Dakota et les "Désert-Rendez-Vous" de Bob Wells au coeur de l'Arizona. L'oeuvre épouse son actrice. La symbiose est totale.
Les campements et les jobs se succèdent.
Cuisinière en Wall Drug, hôtesse et agent d'entretien d'un camping, ouvrière en atelier Amazon ou en usine de transformation de betteraves. À chaque étape des rencontres, toutes justes et authentiques. Ces personnes sont saisies dans leur pleine réalité. Chaque parole, chaque dialogue a valeur de témoignage. Inoubliables Swankie, Linda May ou Bob Wells... Le cinoche de Chloé Zhao garde toujours un pied dans le documentaire et c'est ce qui le rend immédiatement immersif. Des petits boulots aux rencontres, la cinéaste embrasse et ausculte l'Amérique d'en bas. Loin, très loin des buildings de Manhattan et des personnages en carton textant leurs sentiments sur smartphone. Le cinéma de Chloé Zhao est précieux car toujours à hauteur d'homme. Et quand le témoin-passeur de toutes ces émotions n'est autre que l'épatante Frances McDormand, dont le magnifique regard se nourrit de l'horizon, le bonheur cinéphilique est complet.
Oui, je parle bien de bonheur.
Même si ce grand film sur la perte, le deuil et la solitude est d'une tristesse infinie sa foi en l'homme et le spectacle de l'inaliénable solidarité des oubliés qu'il expose ont pour moi quelque chose de profondément consolateur. Une sensation au diapason de ces larmes magnifiques s'égrenant au piano du compositeur Ludovico Einaudi.
Nomadland est une oeuvre précieuse, à la mélancolie réparatrice.
Francisco,
Inside
Swankie
"I'm gonna be 75 this year. I think I've lived a pretty good life. I've seen some really neat things kayaking all of those places. And... You know, like a moose in the wild. A moose family on the river in Idaho and big white pelicans landed just six feet over my kayak on a lake in Colorado. Or... Come around a bin, was a cliff and find hundreds and hundreds of swallow nests on the wall of the cliff. And the swallows flying all around and reflecting in the water. So it looks like I'm flying with the swallows and they're under me, and over me, and all around me. And little babies are hatching out, and eggshells are falling out of the nest, landing on the water and floating on the water. These little white shells. That was like, it's just so awesome. I felt like I've done enough. My life was complete. If I died right then, at that moment, would be perfectly fine. "
Chroniques Zhao
2020
1h45
Le Blu-ray Après l'expérience en salle, la redécouverte en salon s'exprime en Blu-ray par un net gain de précision. Le niveau de détail et l'éclat des couleurs soulignent l'admirable travail du compagnon de Chloé Zhao, le chef-op Joshua James Richards (aux côtés de Chloé Zhao depuis son premier film), qui malgré la simplicité d'un tournage-reportage "caméra au poing" délivre un sens du cadre impérial et des images finement ciselées embrassant la magie des grands espaces. Certains tableaux saisis à l'aube ou au crépuscule ravissent. Un communion de la forme et du fond qui signe la grandeur de l'oeuvre.