HORIZON, c'est courageux et c'est noble
Western Fresque
Kevin Costner
****
J'avais mis 5 étoiles.
Mais ça, c'était avant de l'avoir vu.
Si j'en ai laissé quatre c'est parce que c'est Kevin, que ce projet d'embrasser les grands mythes de la conquête de l'Ouest avec rigueur et réalisme est admirable et que j'ai quand même passé un bon moment. Oui, je suis un gros fan de Kevin, et encore plus lorsqu'il s'attaque au western. Et là ça faisait longtemps. (Yellowstone c'est top mais arrêtez, critiques bien-aimées, de ranger cette série dans la catégorie western)
J'ai chroniqué sur ce blog le classique instantané autant que jubilatoire Open Range avec son casting de rêve. Mais je n'ai jamais osé m'attaquer au monument. À la masterclass. Au modèle du récit épique que je place à la hauteur de nirvanesques cathédrales comme Lawrence d'Arabie ou Out of Africa. J'ai nommé le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre : Danse avec les Loups.
Ce totem ne quittera jamais mon top 20. C'est le premier film a avoir immergé à ce point le grand public au coeur de la culture amérindienne.
Il y avait bien eu dans les années 50/60 quelques classiques comme La Flèche Brisée de Delmer Daves ou Les Cheyennes de maître Ford, puis, au cours des délicieusement subversives années 70, la saga d'Un Homme nommé Cheval, l'éprouvant Soldat Bleu ou encore le truculent Little Big Man d'Arthur Penn mais voilà, en 1990 ce digne héritier de Gary Cooper ou James Stewart qu'incarne Costner passe à la réal. Le projet est d'un courage absolu à l'heure ou le western ne fait plus rêver les producteurs. Pour moins de 25 millions de dollars de budget (Horizon a coûté le double pour chaque volet) la star des Incorruptibles et Jusqu’au bout du rêve va faire résonner trois heures durant (oui, je préfère la version ciné) l'inoubliable partition de John Barry dans la lumière dorée des grandes plaines sublimées par la photographie du génial Dean Semler (Mad Max 2, Apocalypto) couchée sur format scope bien aéré et le tout en langage sioux.
Le jeune cinévore de 23 ans que j'étais alors émergea cette expérience hautement cinématographique totalement chaviré et parlant indien de longues heures encore après la séance. J'éprouve encore les mêmes symptômes après chaque revoyure. Je parle sioux non seulement à ma puce mais également à mon chien.
Si je digresse un peu et que vous raconte tout ça c'est pour bien poser le contexte et vous laisser imaginer le degré d'attente et d'espoir que je plaçais en cet Horizon et à quel rythme j'ai marché vers mon cinéma hier après midi.
Voir le nouveau western de Kevin trônait fièrement en première ligne du programme de ma première journée de vacance. Tellement plus important que de changer les pneus de ma bagnole avant le contrôle technique, déposer les trois sacs de bouteilles en verre dans le bac de recyclage injustement situé tout en haut de ma rue en pente, acheter des croquettes pour Scott et passer l'aspirateur. Non, man, hier après midi j'avais rendez-vous avec Kevin au coeur du paysage sauvage de l'Utah. Et ce sentiment là, je peux te dire qu'il valait déjà 5 étoiles...
Alors pourquoi que quatre?
Le récit d'Horizon et sa généreuse galerie de personnages déroule une vraie densité narrative mais je n'ai pas été caressé par un souffle épique aussi puissant que celui qui emportait aux plus hauts sommets Danse avec les Loups. Je n'ai pas éprouvé cette sensation d'entrer dans un nouveau monde. Pourtant la musique de John Debney invite au voyage, la direction artistique, décors et costumes, est impériale mais il y a ce choix de format d'image qui m'a, d'emblée, empêché de déployer mes ailes et de décoller aussi haut qu'autrefois avec mes copains sioux.
Pourquoi ce rectangle
mais ici, dans cette belle salle de mon multiplex Pathé du Mans au tarif normal bien trop cher, j'ai dû me contenter d'une impression moins trippante.
L'expérience plus "étriquée" de voir l'équivalent de trois épisodes d'une série western d'excellente facture projetée sur grand écran.
Et ce n'est ni la mise en scène, soignée, précise mais sans coups de génie, ni la photographie sans grand relief ni texture qui ont pu me consoler (Même si tout cela sera très joli mastérisé en Blu-ray 4K puisque tourné sur caméra sources 6 et 8K)
Sans parler de ce final en forme de bande-annonce du prochain volet.
Sérieux, on est au cinoche là, je ne suis pas en train de binger devant ma télé là...
Ok le flop du film aux USA est injuste parce que, sur le fond, l'ambition est là et qu'Horizon ranime le western.
Il offre aux nouvelles génération un divertissement autrement mieux torché, plus nourrissant et moins couillon qu'une des dernières prod Marvel ou DC. Mais je comprend également l'empressement de Netflix, à contacter Costner qui verra, aux USA, le second volet privé d'une sortie en salles et diffusé directement sur plate-forme.
Le N rouge serait donc prêt à financer les deux derniers chapitres et, honnêtement, ce que j'ai vu supportera sans s'effondrer une séance sur canapé.
Le projet d'origine comprend quatre volets, chacun durant entre 2h45 et 3h, je peux me projeter sans chialer vers un découpage en deux saisons qui ravirait tous les fans de fresque westernienne.
Elle rejoindrait ainsi les plus grandes épopées du genre qui ont fait chanter les colts, souffler le vent des montagnes et la poussière des canyons au coeur de nos doux foyers. Souvenons-nous de Colorado à la fin des années 70, Lonesome Dove (1989) et, plus récemment, au début des années 2000 La sombre et magistrale Deadwood et, plus proche d'Horizon, la passionnante et injustement méconnue Into The West. Production ambitieuse portée par Steven Spielberg qui abordait également les grands mouvements de la conquête de l'ouest en adoptant aussi bien le point de vue des natifs que celui des colons.
Revenons au film.
Autre point qui m'a fait retirer une étoile au shérif du western c'est le montage qui, à force de vouloir traiter autant de parcours en trois petites heures (oui, c'est trop court et une supposée version longue sur Blu-ray permettrait de rendre justice à l'oeuvre) s'est, j'imagine, permit des ellipses qui nuisent non pas à la compréhension du récit qui ne s'éloigne jamais des codes du genre, mais à sa fluidité.
Danse avec les Loups est un récit qui nous prend par la main et nous conduit jusqu'au dernier plan sans jamais nous lâcher. Ici, l'oeuvre chorale est parfois heurtée et dissonante. Personne n'a réellement le temps d'exister pleinement.
Justement, parlons casting.
Si la présence de quelques seconds rôles à gueule ravissent, Will Patton, Danny Huston, James Russo ou Michael Rooker et que Jena Malone, en femme traquée, assure le job avec une belle intensité, d'autres sont moins convaincants. Luke Wilson en meneur de convoi, mouais... la prestation de Sienna Miller ne m'a pas vraiment emballé non plus. Surtout lorsque, sur le même registre de veuve éplorée, on s'est mangé en 2017, la prestation dantesque de Rosamund Pike dans l'écrasant Hostiles de Scott Cooper. (Hostiles, dernier vrai chef-d'oeuvre du western des années 2000, avec Open Range et True Grit, tourné, comme par hasard, sur pelloche 35mm en format scope 2.39, hé ouais...)
Idem pour le capitaine de cavalerie joué par Sam Worthington.
J'ai toujours trouvé que le bel acteur d'Avatar manquait de charisme. Le sens de la droiture et l'intégrité de son personnage devraient incarner la relève du Costnerisme au cinéma mais il lui manque la prestance de son modèle et manque clairement de présence.
C'est ce défaut d'épaisseur et viscéralité ici et là dans le casting qui prive, à mon sens, Horizon du statut de chef-d'oeuvre que j'avais décidé de lui attribuer quoiqu'il arrive.
Alors, oui, lorsque Kevin Costner surgit au bout d'une heure de film on se dit que justice va être rendue. Que le western ne mourra jamais et que la magie est là. Il ramène gentiment tout les petits nouveaux à la maison. Il peut même les border. Sa noblesse Fordienne dans l'art de flinguer un malfaisant fait toujours merveille et l'impose comme le dernier des géants.
Kevin, c'est le dernier héros à l'ancienne.
La figure rassurante que l'on voudrait toujours voir roder dans le coin et dont personne ne peut contester l'autorité. Ce mec fêtera l'année prochaine ses 70 piges et franchement il apparait ici dans une forme olympique. C'est l'équivalent d'un Denzel Washington question stature et aura. Son personnage de Jean Valjean du Far-west défendant la prostituée et l'orphelin fonctionne à plein régime. C'est un peu le problème, d'ailleurs.
Dès qu'il quitte l'écran, il nous manque...
Bon en tout cas, voilà l'idole de ma jeunesse revenue et bien sûr que j'achèterai le Blu-ray en coffret steelbook en répétant que, ouais, ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais qu'on parle quand même de Kevin là. Et qu'envisager, à bientôt soixante dix ans, de réaliser et jouer dans une fresque de quatre fois trois heures sur les conflits et aspérité des fondements de l'identité américaine, c'est beau, c'est courageux et c'est noble.
Go on Kevin !
Francisco,
Let's talk about, Kevin
2024
3h
Le Blu-ray Que c'est beau... Un master somptueux aux couleurs chaudes et aux contrastes solides y compris dans les scènes nocturnes. Luxe de détails sans le lisse aspect numérique mais avec quasi une sensation de patine argentique. De source 6 et 8K la haute tenue d'image s'impose tout au long de ces trois heures de grand spectacle. En selle !
Directed by
Kevin Costner |
Writing Credits
Jon Baird | ... | (screenplay) & |
Kevin Costner | ... | (screenplay) |
Jon Baird | ... | (story) & |
Kevin Costner | ... | (story) and |
Mark Kasdan | ... | (story) |
Cast (in credits order) complete, awaiting verification
Kevin Costner | ... | Hayes Ellison | |
Sienna Miller | ... | Frances Kittredge | |
Sam Worthington | ... | Trent Gephart | |
Jena Malone | ... | 'Ellen' Harvey | |
Owen Crow Shoe | ... | Pionsenay | |
Tatanka Means | ... | Taklishi |
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