APOCALYPTO, fast and furious
Aventure Survival Culte
Mel Gibson
*****
Somptueux. Furieux.
Deux heures dix de grand cinéma.
Il y a dix-sept ans un réalisateur à l'ambition et l'énergie phénoménales décidait de se lancer dans un projet fou. Replonger le spectateur à l'époque des Mayas.
Projet initial de big Mel : Tourner son film en pleine jungle mexicaine avec des acteurs non-professionnels, castés sur place et parmi la population amérindienne, et s'exprimant tous en Maya Yucatèque. Une langue parlé aujourd'hui par moins d'un million de personnes dans le monde. Un seul objectif: l'immersion absolu. À l'origine le film ne devait même pas être sous-titré. Un parti-pris radical auquel Gibson renoncera finalement, la production reposant sur ses propres deniers. Mais sur le fond et la forme le résultat reste à ce jour inégalé et probablement inégalable. Là encore, j'vais être très clair. Je sais bien que je me vautre souvent dans l'hyperbole aussi je confirme qu'il s'agit d'un trip ciné où le viscéral confine au mystique. Avec Apocalypto Mad Mel signe pour moi son chef d'oeuvre.
L'Homme Sans Visage est mignon, le jouissif fier et vaillant Braveheart à prit son tout petit coup de vieux (mais reste un super pied), La Passion du Christ est terrassante mais souffre d'une introduction un peu maladroite. Apocalypto, de la première à la dernière image, me scotche toujours autant au canapé.
Ce délicieux spectacle barbare et tonitruant n'a pas pris une ride. Décors, costumes, armes, maquillages, enterrent des décennies de carton-pâtes et fait regretter le temps d'avant les incrustations en numérique. Une direction artistique de première classe! Côté photographie c'est le grand Dean Semler (Danse Avec Les Loups) qui s'en charge et le résultat à l'écran est fantastique. Tout sonne juste et épais. Authentique. L'expérience cinématographique est aussi spectaculaire que profondément viscéral. Du cinoche d'avant les nunucheries numériques cool et paresseuses de chez Marvel ou Disney.
Qu'importe si quelques férus d'histoire ont fait la moue sur nombre de détails, Mel Gibson n'est pas rédacteur pour Wikipedia, il est d'abord un cinéaste. Et un grand.
Il lui appartient de façonner le récit à sa convenance. Ainsi Big Mel a recréé, rien que pour nous spectateurs gourmands, un monde disparu. Donc, si un témoin de l'époque trouve des choses à redire ce n'est plus mon problème. Qu'il ne soit pas prouvé que les Mayas aient recours à l'esclavage, soit. ( Que leurs temples aient été érigés par quelques milliers d'ouvriers en CDI bénéficiant d'une couverture sociale de premier ordre reste également à prouver). L'essentiel est : que ça fasse vrai ! L'univers d'Apocalypto est pour moi, humble spectateur, non seulement crédible mais totalement stupéfiant.
L'histoire du jeune et véloce Patte de Jaguar commence dans son Eden. Au milieu des siens. Le danger rôde. Un crescendo conduit de main de maître. Apparitions de fuyards aux visages dévastés par la terreur. On se dit que ça ne sent pas très bon tout ça. On est tendus. On a peur. C'est le principe des Dents de la Mer, poirauter un peu avant l'apparition de la bête. Surgissent alors les guerriers Mayas.
Là, re-tour de force du casting, du maquillage et des costumes. La troupe des assaillants est d'emblée terrifiante. On devine instantanément que tout recours à la diplomatie sera vain et hors de propos. Le village et la tribu de Patte de Jaguar vont prendre cher. Très cher. Une séance de massacre et de pillage pas fun du tout comme Mel sait si bien les emballer depuis Braveheart et ses mêlées dopées à la testostérone et au figurants galvanisés par l'énergie d'un réalisateur intrinsèquement survolté. L'énergie et le propos d'Apocalypto transcendent chaque scène d'action.
"Se battre et survivre quand tout s'écroule". Apocalypto, en grec, signifie "révélation". Le film s'affirme ainsi. Un miroir tendu à notre essor souvent criminel. La barbarie aujourd'hui est partout. Évidente ou insidieuse. Que ce film ne soit pas rigoureusement historique importe peu. Faire tomber le mythe d'une civilisation Maya "habitée par la science et la spiritualité, en avance sur son temps" en la décrivant rongée de l'intérieur par la cruauté et l'oppression est d'abord le reflet et, accessoirement, une vigoureuse baffe en travers de la gueule, de nos empires actuels.
Il fait bon rappeler que nos richesses, notre admirable technologie et notre fragile "puissance" ne fructifient et ne se développent que sur le dos des pays les plus pauvres et de nouveaux esclaves qui n'en portent pas le nom. L'allégorie est rude mais efficace. Apocalypto parle bien de notre monde. Une intention inscrite dès l'ouverture du film avec cette citation de l'écrivain, historien et philosophe américain William James Durant :
" Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur"
Patte de Jaguar ne se bat pas pour une cause, il ne s'échappe pas pour sauver son peuple, il fuit et endure toutes les souffrances pour retrouver ceux qu'il aime. Sa famille. Dernier rempart contre une barbarie omniprésente.
La colonisation à venir sera évoquée dans une seule séquence mais la démonstration qui a précédé est sans appel. Ce monde est déjà condamné. " Il y a bien quelque chose de pourri au royaume des Mayas" aurait pu écrire Shakespeare.
Apocalypto s'affirme aujourd'hui comme une oeuvre visionnaire.
Un très grand film que bien peu de réalisateurs auraient pu hisser à ce degré d'intensité. Il est bon d'apprendre que Mel Gibson poursuivra son oeuvre de cinéaste. Le sage, poli et maigrichon cinéma actuel a sacrément besoin de titans dans son genre.
Francisco,
Refaire le monde
Chroniques Gibson (réal)
2006
2H20
Le Blu-ray Passé de TF1 à Studiocanal, je ne dispose que du précédent transfert. A priori, il s'agit du même master. Un des tops au débuts du Blu-ray. Respect du grain ciné mais un niveau de détail, des contrastes et des couleurs qui enterrent noblement le DVD. Faites le voyage en HD!
Director:
Mel GibsonWriters:
Mel Gibson, Farhad SafiniaStars:
Gerardo Taracena, Raoul Trujillo, Dalia Hernández |
A découvrir aussi
- EXODUS : GODS AND KINGS, toiles de maître
- EXCALIBUR, "the sword will rise again"
- THE KING, épique intime