WINTER BREAK, le coeur de l'hiver
Feel-good Drame Comédie
Alexander Payne
*****
Quasi 20 ans après le divin, consolateur et jubilatoire Sideways, le réalisateur de Nebraska et Monsieur Schmidt retrouve son vieux pote, le savoureux Paul Giamatti, pour incarner la figure centrale d'une perle de feel-good movie. Et putain, c'est le bonheur.
C'est donc avec joie et par un beau dimanche ensoleillé que je t'annonce que Winter Break t'offre une tendre et souvent bouleversante variation du "film de Noël". C'est aussi une déclinaison de "college movie", puisque l'action se déroule dans un pensionnat de Nouvelle-Angleterre à la fin de l'année 1970.
Giamatti est Paul Hunham, spécialiste de littérature ancienne.
Un vieux prof bourru, un poil aigri, à tendance peau de vache. Un célibataire endurci, marié avec la bouteille, qui va se retrouver à veiller sur les oubliés des fêtes : une poignée d'ados qui ne peuvent rejoindre leurs familles. Rapidement, le groupe se limitera à un seul jeune homme. La cuisinière, en deuil de son fils récemment mort au Vietnam, n'est pas vraiment d'humeur à accrocher des guirlandes et trinquer en famille, alors elle décide de rester à leurs côtés.
Et ce trio improbable de blessés de la vie, défendu par trois comédiens débordant de charme et de charisme, va, tu t'en doutes avant même que je spoile gentiment, "refaire famille". C'est toute la douceur des films d'Alexander Payne qui s'exprime ici. Avec toujours le même message : La solitude, ça colle aux basques, mais ça se soigne dès qu'on décide de s'ouvrir et de se bouger le cul. Rien de révolutionnaire sur le fond, me direz-vous, mais attention, une fois que sont posés de solides et attachants personnages, toute l'alchimie d'un bon moment de cinoche repose sur la manière, le rythme et la forme.
À propos de rythme, n'oublions surtout pas, c'est un peu mon défaut, de souligner la divine B.O. Esprit rétro & seventies, tout en balades et Christmas songs de Cat Stevens à Damien Jurado, en passant par The Chambers Brothers, jusqu'aux mélodies à gros flocons de Gene Autry, Mel Tormé ou Irving Berlin.
Santé !
Payne se glisse donc dans les pas d'une poignée d'inadaptés, dignes héritiers des losers magnifiques du cinéma des années 70, pour une savoureuse leçon de vie dont il a le secret. Ce retour aux années 50, 60 ou 70 et plus largement à "l'Amérique d'avant le numérique" traduit un véritable besoin de retour à la pleine présence du réel pour nombre de grands réalisateurs américains. Les derniers films de Tarantino, P. T. Anderson, Spielberg ou encore James Gray en témoignent. Ce mouvement de retour aux fondamentaux touche également les nouveaux talents comme Jeff Nichols avec l'imminent The Bikeriders ou Love Lies Bleeding de Rose Glass que je vais foncer voir en salles la semaine prochaine (esprit 80's).
Faut-il lire dans cette délicieuse mais visiblement peu lucrative bouffée de nostalgie l'expression d'une lassitude face au spectacle désolant de blockbusters gorgés d'effets anesthésiant notre esprit critique ? J'applaudis à cette noble volonté de ne pas succomber à la loi imbécile du box-office et de résister au raz-de-marée du tout lénifiant en revenant à une époque, un récit et un décorum où la technologie ne peut plus empoisonner l'atmosphère ni entraver cette subtile poésie de la rencontre, du dialogue et de l'engagement.
C'est donc sans smartphones ni CGI, mais chaleureusement bouleversant, qu'Alexander Payne vient nous cueillir. Empathique mais sans sensiblerie. Drôle mais avec les larmes au bord du sourire. Tu l'as compris, on n'est pas chez les beaufs. L'élégance suprême de la mise en scène, dans le velours de la photographie à la sublime patine vintage, traque toujours le drame derrière la comédie. Bravo, donc, au chef-op Danois Eigil Bryid pour cette élégante texture d'image, ainsi qu'à toute l'équipe de la direction artistique, puisque, des costumes au moindre élément de décor, tout transpire l'authenticité.
Te voilà transporté au début des années 70. Le tout garanti sans fonds verts et ça, lecteur ou lectrice bien-aimé(e), tu sais comme ça flatte le cinévore nostalgique que je suis.
Tout est dit des complications de l'existence dès lors que l'humilité, l'exigence, l'intégrité, l'intelligence et la sensibilité nous guident.
On y cause de famille, d'amour, d'amitié et de loyauté, de solitude et de mort avec la même grâce. Et tout ça à partir de ce qui était à l'origine un scénario de pilote de série signé David Hemingson, sur lequel Payne a flashé. Il évoquait pour lui le souvenir du film de Pagnol Merlusse, datant des années 30, autour d'élèves coincés pour Noël à l'internat en compagnie d'un surveillant à la mine patibulaire.
En le retravaillant pour Payne et en déplaçant l'intrigue à l'aube des seventies, Hemingson y a mis beaucoup de ses souvenirs personnels. Une belle opportunité pour ce scénariste trop souvent astreint aux codes de séries à succès comme Uncle Buck, American Dad! ou How I Met Your Mother.
D'où ce sentiment de ravissement narratif que j'ai éprouvé à suivre ce récit vibrant d'humanité. Écriture, mise en scène, jeu d'acteur, tout le monde a mis son cœur là-dedans.
Winter Break est bien vivant.
Si tu aimes quitter un film avec un sentiment mêlé de plénitude et de mélancolie, alors ce film est fait pour toi.
Tu le sais bien, nous sommes des êtres fragiles et rongés de paradoxes. Cette pépite ciné ô combien humaniste te le rappelle gentiment en ayant la délicatesse de te prendre dans ses bras.
Francisco,
Vintage
Alexander Payne Chroniques
2023
2h10
Le Blu-ray : savoureuse texture argentique qui n'entrave en rien le niveau de détail. Back to the seventies mais en top démo. Un régal !
Directed by
Alexander Payne |
Writing Credits
David Hemingson | ... | (written by) |
Cast (in credits order) verified as complete
Paul Giamatti | ... | Paul Hunham | |
Dominic Sessa | ... | Angus Tully | |
Da'Vine Joy Randolph | ... | Mary Lamb | |
Carrie Preston | ... | Miss Lydia Crane |
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